Page 427 - Annuaire Statistique Québec - 1918
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386                 LA COLONISATION DE LA

               Nous ne pensons pas, toutefois, que les choses en soient encore ren-
           dues à ce point; que les hommes d'état de l'Angleterre, ni le peuple An-
           glais, soient prêts d'abandonner "vaisseaux, commerce et colonies",
           que, dans un moment d'embarras domestique, l'Angleterre veuille renon-
           cer tout d'un coup à la politique invariable de deux siècles, qui l'a élevée
           à un point de grandeur où ne l'aurait jamais portée sa population inté-
           rieure (1)".
               A quelques jours M. Neilson démontrait l'effet funeste que la des-
           truction du commerce du bois aurait sur les colonies :
               "La population des colonies de l'Amérique septentrionale, écrivait-il,
           est maintenant d'un million d'âmes à peu près.     Dans vingt-cinq ans
           d'ici elle passera probablement deux millions.  Toute la population ac-
           tuelle est habituée à compter sur un échange de denrées, avec la Grande-
           Bretagne et ses possessions, contre les produits de leurs manufactures et
           les productions des Indes occidentales et orientales.  De toutes les pos-
           sessions Européennes en Amérique, il n'yen a pas une où l'on ait moins
           fait pour établir des manufactures que dans celle-ci.  Pendant la guerre
           de la révolution américaine, le Bas-Canada, la seule des colonies men-
           tionnées ci-dessus qui existât alors véritablement, se procurait les mar-
           chandises étrangères dont il avait besoin, par le moyen du surplus de sei'
           denrées et de sa main d'œuvre, que le gouvernement prenait et payait en
           lettres de change, qui étaient remises en Angleterre pourdes marchandises
           Le tems écoulé entre la paix de 1783 et la guerre de la révolution française
           en 1792, fut un tems de grande misère en Canada: nous n'avions, pour
           payer nos approvisionnemens de marchandises anglaises, que l'argent
           déboursé pour les dépenses du gouvernement colonial, peu considéra-
           bles alors, le produit de la traite des peUeteries, et d'un peu de bled exporté
           de tems à autre à l'Espagne et au Portugal.    La guerre de France, en
           1792, nous donna une exportation de bled à la Grande-Bretagne; la
           clôture de la Baltique nous donna le commerce des bois; l'embargo amé-
           ricain, la guerre d'Amérique, et la demande illimitée de main-d'œuvre et
           de denrées coloniales qu'elle occasionna, nous mirent en état de consom-
           mer plus que jamais auparavant de marchandises anglaises.       Si nous
           faisions beaucoup d'argent, il en restait peu chez nous.  La plus grande
           partie se versait dans la Grande-Bretagne.    Si nous faisions bâtir de
           belles maisons, nous avions grand soin de les couvrir en fer-blanc d'An-
           gleterre. de nous pourvoir d'une abondance de fenêtres, garnies des vitres
           anglaises les plus coûteuses; en dedans et en dehors, il y avait une profu-
          sion de peinture anglaise; meubles, ornemens, il fallait que tout fût
          anglais.  Notre viande se rôtissait sur des broches anglaises, se tournait
           avec des tourne-broches anglais, peut-être devant un feu de charbons
          anglais, se servait sur des tables anglaises, des plats anglais, du linge
          anglais, et se mangeait avec des couteaux et fourchettes anglais.
           Notre vin ne nous parvenait que par des canaux anglais, se versait dans
          de superbes carafes ciselées de crystal anglais, dans des verres de même


              (1) (lazette de Québec f1 juillet 1820.
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