Page 426 - Annuaire Statistique Québec - 1918
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PROVINCE DE QUÉBEC (1821) 385.
législature, et la Gazette de Québec, dans la personne de son rédacteur,
M. John Neilson, avait embrassé avec ardeur leur cause. Les articles
se suivaient et frappaient juste: "Il est vrai, écrivait M. Neilson, que
l'impot restrictif sur le bois de la Baltique, et l'avantage qui en résulte
à celui des colonies, sont contraires au principe de la liberté du commerce,
principe dont nous n'avons garde de vouloir contester la justice et l'uti-
lité générale, en autant qu'il regarde les colonies en particulier. Si,
après des volumes de lois composés, des centaines de millions d'argent
dépensées et des fleuves de sang répandus pour soutenir les principes con-
traires, l'ouvrage de Smith devenait enfin la règle de la législation com-
merciale des Anglais, nous ne nous plaindrions point. Nous mêlerions
nos voix au requiem detoutes compagnies exclusives, detous privilèges
exclusifs, de tous monopoles nationaux et coloniaux; et, forts de notre
industrie et des ressources naturelles de notre pays, nous commercerions
où et avec qui bon nous semblerait: notre commerce de bois, et tout
autre commerce bâti sur des principes contraires à ceux du docteur, pour-
raient s'écrouler; pas un murmure, pas même un soupir ne nous échappe-
raient. Ce ne serait que d'une application partielle de ses principes que
nous croirions avoir droit de nous plaindre. Nous nous en plaindrions
comme privant les colonies des avantages d'e l'ancien système, et ne leur
en laissant que les désavantages; comme leur accordant ce que le nou-
veau système a de pernicieux sans leur accorder ce qu'il a d'utile; et nous
ne pouvons nous persuader que les plaintes bien fondées de cinq colonies
loyales, toujours soumises à la législature de la mère-patrie, jamais exi-
geantes, mais réclamant seulement des avantages dont elles jouissent
actuellement et qui leur ont été accordées librement, ou la juste applica-
tion d'un principe reconnu de tous, ne seraient pas écoutées d'une oreille
favorable.
Il n'est pas à supposer, toutefois, que les hommes d'Etat en Angle-
terre s'obstineront à ne voir dans la question qui est maintenant soumise
à leurs discussions, qu'une simple question de quelques mille louis de
plus ou de moins pour le trésor, qu'une dispute entre les vendeurs et les
consommateurs du bois, qu'une chicane sur une fourniture faite par des
sujets del'Angleterre, ou par des étrangers. Nous espérons qu'ils la
regarderont dans son vrai jour, comme une question d'état. Si, comme
il parait que cela est, le commerce des colonies de l'Amérique septen-
trionale, en tems de paix, dépend principalement du commerce des
bois; si, comme on en convient généralement, le seul avantage national
que l'Angleterre retire de ces colonies dépend du nombre des vaisseaux
employés dans ce commerce, et du nombre de matelots qu'il forme et
conserve pour la défense nationale dans le tems du besoin; il s'ensuit que
cette question est, strictement parlant, une question d'état. Autant
vaudrait-il, pour les hommes d'état de l'Angleterre, embrasser tout-de-
suite la doctrine odieuse des auteurs de l'Edinburgh Review, et aban-
donner les colonies, que de continuer à les posséder sans commerce, et
sans qu'elles servissent à aucun objet national, également avantageux à
elles-mêmes et à la mère patrie.
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