Page 428 - Annuaire Statistique Québec - 1918
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PROVINCE DE QUÊBEC (1821) 387
espèce; et nous le buvions à la santé du Roi, de l'armée et de la marine
d'Angleterre. Nous nous couchions dans des lits anglais, et sous des cou-
vertures anglaises; et nous nous levions pour nous couvrir de pied en
cap de hardes anglaises. Il fallait même envoyer en Angleterre nos
fourrures et nos pelleteries, pour les rendre anglaises. Nos livres et
notre papier, les plumes avec lesquelles nous écrivions, etaient anglais.
Depuis la somptueuse habitation de nos villes, jusqu'à la hutte de douze
pieds en quarré, où le premier défricheur d'un établissement fait voir
quels travaux, quelles privations, et quelles souffrances il a fallu endurer
pour donner à ce beau pays l'aspect riant et l'air d'aisance modérée qu'il
a maintenant. tout est anglais, sauf notre viande et notre pain, nos fruits
et nos légumes, notre pierre et notre bois, quelques hardes fabriquées
dans nos familles, et quelques poêles et chaudrons manufacturés aux
forges royales de Saint-Maurice. S'il était possible de nous enlever à
la fois tout ce qui est anglais, nous resterions presque dépourvus de tout.
Notre êondition serait pire que celle du sauvage: car, pour lui, il peut
endurer l'intempérie de l'air, ou se bâtir une cabane; il peut faire tomber
dans ses pièges les bêtes de la forêt, se vêtir de leurs peaux, et se nourrir
de leur chair, il peut se faire des arcs et des flèches pour sa défense, et
casser la tête à ses ennemis avec une massue. La condition du sauvage
serait certainement préférable à la nôtre, s'il était possible de nous enlever
tout à la fois, tout ce qui est anglais, sans nous rien laisser à la place.
Cela est, toutefois, impossible. Mais nous rétrograderons vers un état
pire que celui du sauvage, à p 'oportion que les choses qu'il nous faut
tirer de l'Angleterre et des possessions anglaises nous seront enlevées; et
elles nous seront enlevées en grande partie, ou, ce qui est la même
chose, le fonds que nous en avons se consumera, disparaitra, et ne sera
pas remplacé, si nous n'avons pas les moyens de nous en procurer un
nouvel approvisiom:ement. Nous savons tous qu'elles nous ont été four-
nies jusqu'à présent EN ECH ANGE, POUR NOTRE TRAVAIL OU LE PRODUIT
DE NOTRE TRAVAIL. Les partisans des nouveaux arrangemens qui doi-
vent ruiner notre commerce des bois, vont nous dire: "IL FAUDRA
que vous veniez à notre boutique; IL FAUDRA que vous preniez nos
voitures, et que vous nous en payiez l'usage; IL FAUDRA que vous
achetiez nos marchandises, ou que vous vous en passiez. Nous n'avons
plus besoin de rien que vous puissiez nous fournir. Voilà nos voisins
les Français, les Allemands et les Polonais, qui peuvent nous fournir du
bled, presque pour rien; voici la Prusse, et la Suède, et le Danemarck,
tous nos voisins et bons amis, qui nous vendront du bois, bien meilleur
que le vôtre, à moitié prix; vraiment, il ne nous manque rien que vous
nous puissiez offrir; mais gardez-vous bien de vendre ou de porter vos
denrées ailleurs; n'oubliez pas qu'il vous faut absolument acheter à
notre boutique, ou ne rien acheter.
Il est de fait que ce pays n'a rien maintenant qui puisse payer les
marchandises anglaises qui nous sont nécessaires, excepté quelque peu
de fourrures, de potasse, et notre bois. L'année dernière, le bois seul a
formé plus de la moitié de nos exportl:ttions, et payé plus de la moitié de