Page 73 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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d'arbres étaient mixtes, les feuillus constituaient un obstacle à l'abat-
tage et au charroi des troncs d'épinette, de sapin et de pin.
Un bon jour, une nouvelle inattendue envahit les fils télépho-
niques. L'organisateur du parti politique au pouvoir l'avait d.it à
un ami, qui l'avait dit à son frère, qui l'avait dit ... Si bien qu'en peu
de temps tout le pays était au courant qu'un fabricant de menus
articles de maison avait l'intention d'installer dans la région une
scierie pour le bois dur. À l'annonce de cette manne inespérée, tou-
tes les paroisses furent prises d'une agitation fiévreuse. Lorsqu'ils
se rencontraient, les citoyens avaient à la bouche la même question :
a Penses-tu qu'on aura le moulin icitte ? R
Si Terre-Hautc fut choisie, ce n'était ni pour les beaux yeux
de ses femmes ni, semble-t-il, à des fins de partisannerie politique.
La décision relevait d'une étude sérieuse. Parmi les éléments favora-
bles, il y avait la qualité des bois francs, la forte concentration des
peuplements de merisiers et de bouleaux, et aussi, la facilité de
transport du bois débité jusqu'au chemin de fer.
On avait construit la scierie au milieu du rang 6, sur la terre
d'Alexis Boudreau, juste au pied de la côte où coule un ruisseau.
À partir de ce jour, une vie nouvelle souffla sur les hauteurs. Tous
les habitants de Terre-Haute profitèrent de la nouvelle industrie
d'une manière ou d'une autre : abattage des arbres, halage des
biles, travail à la scierie, transport du bois semi-ouvré. De plus, ils
retiraient de leurs terres boisées un revenu annuel fort appréciable.
On s'était vite habitué à cette nouvelle présence. On la sentait
partout : dans l'activité fébrile des camionneurs, dans le chant aigre
des scies et dans la fumee qui s'échappait du dos lépreux des
coilines. Pendant plusieurs années, la vie de la paroisse fut sans
histoire.
Une fois rendu à ce point de son récit, Louis-Philippe s'était
arrêté. II se leva pour jeter deux bûches de merisier bien sèches
dans la gueule embrasée du poêle. Pendant un instant, les flammes
s'agitèrent au plafond en sarabandes endiablées.