Page 71 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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du  vent  dans  le  tuyau  noir  du  poêle.  Depuis  un  moment,  Louis-
                                    Philippe  tournait  entre  ses  mains  le  fourneau  de  sa  pipe  éteinte.
                                    L'assoupissement  de la conversation  réveilla  son  envie  de  fumer.  II
                                    se leva pour aller prendre dans l'armoire  fourre-tout, près de la porte
                                    de la salle de bain, la jarre  bistre dans laquelle il conserve son tabae,
                                    un  tabac  du pays,  fort  et  odorant.  Après  avoir  consciencieusement
                                    bourré  sa  pipe,  il  s'était  rassis.  Bientôt,  sa  tête  s'auréola  d'une
                                    fumée  intense.

                                        Après la vaisselle, Marie s'était  remise  à  son tricot.  Malgré son
                                    au impassible,  elle  ne  perdait  rien  des  gstes  et  des  paroles  des
                                    hommes.
                                        A  la  suite  de  cette  pause,  Louis-Philippe  avait  commencé  à
                                    raconter  les  faits  les  plus  frappants  de l'histoire  de  la  paroisse.  Il
                                    décrivait  avec un réalisme  violent  les  travaux qui libérèrent  la terre,
                                    montrant  que  malgré le  fer  et le feu,  il  avait  fallu  des  années pour
                                    extraire  du  terroir  les  souches  solidement  enracinées,  et  que  c'était
                                    sur un  sol  complètement libéré  que la herse  et  la  faucheuse  étaient
                                    devenues maîtresses  des semailles et  des moissons.

                                        Il ne  s'était  pas  encombré  la  mémoire  de  dates  inutiles.  Pour
                                    lui,  ce  sont  les  principaux  événements  qui  ont  marqué  le  temps.
                                    C'est  ainsi qu'il  parlait  de l'année  du  grand  feu  de forêt,  de celle  de
                                    la  mort  du  curé  Bourdages,  de  l'été  où  la  foudre  avait  incendié  la
                                    grange à LCon  Lévesque,  l'hiver  du tremblement  de terre.
                                           À
                                        -  t'entendre  parler,  remarqua  Honoré,  on dirait  que toutes
                                    les années ont été mauvaises !
                                        -C'est   vrai  qu'on  se rappelle  mieux  les  peines  que  les  joies.
                                    Tiens,  par  exemple,  je  vois  comme si  c'était  hier  la  construction  de
                                    l'église,  peut-être  à  cause  de la  chicane  sur le  choix  de l'emplace-
                                    ment  qui  a  failli  diviser  la  paroisse'  le  grand  feu  parce  qu'il  a
                                    ravagé plusieurs  terres  à bois  et  incendié  une trentaine  de  maisons,
                                    l'hiver  où  une  bordée  n'attendait  pas  l'autre,  à  tel  point  qu'il  était
                                    devenu impossible de transporter les  billots  au  moulin.
                                        -Il   y  eut,  quand  même,  des  bonnes  années,  continua-t-il.
                                    Celle de l'arrivée  du plus fort contingent  dc colons,  qui s'installèrent
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