Page 70 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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-T'appelles ça être libre, toi. se désâmer à gratter une terre
maigre et pleine de roches, vivre dans un pays de côtes, loin du
monde !
-C'était une vie dure, ben sûr. Les gens de Terre-Haute ne te
diront pas le contraire. N'empèche que plusieurs ont mis de l'argent
de côté et ont fait instruire leus enfants. Tu serais surpris du nom-
bre de garçons de la paroisse qui ont fait le cours classique.
-De ceux-la, y en est resté combien par icitte ?
-Ben peu, c'est vrai, avoua Philippe. Quand ils partent pour
l'université, c'est souvent pour plus revenu. A part queuqu' méde-
cins, et les curés, évidemment.
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- ajouta d'une voix pleine d'amertume :
- Not' grand malheur, c'est qu'on nous enlève nos talents et
nos richesses ; on nous laisse nos chômeurs et nos assistés sociaux ...
Honoré sortit une cigarette et Louis-Philippe reprit sa pipe,
qui s'était éteinte. Ils allumèrent à la même allumette. Après avoir
tiré quelques bouffées, ils continuèrent à parler, par intcrmittences.
- J'ai lu dans les gazettes, fit le cousin, que les gouvernements
ont dépensé ben d'l'argent pour des études sur...
Louis-Philippe vint à son aide :
-Tu veux sans doute parler des éludes sur l'aménagement du
territoire ?
-Des mots ben qu'trop savants pour moi ... ç'a donné quoi,
tout ça ? J'ai pas trouvé tellement de changements depuis la der-
nière fois que j'sus venu.
- Jusqu'à maintenant, ç'a n'a pas rtglé grand-chose. On con-
naît mieux nos problèmes, mais pour les solutions ... Nos routes
sont encore aussi mauvaises et aussi croches, nos forêts continuent
à être gaspillées, des étrangers pêchent avec d'énormes rets les pois-
sons de nos baies. notre chemin de fer date du tenips des charrettes.
Les deux homnles se turent. On n'entendit plus que le craque-
ment du plancher sous les patins des berceuses et le bruit aspirant