Page 68 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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claquement de la hache à l'aisselle d'une branche, grondement fu-
rieux de la scie mécanique, gémissement d'un fût géant qui s'écrase
dans un craquement d'os brisés.
Honoré essayait de se rendre utile, soit en coupant les bran-
ches de faîte d'un arbre abattu ou en aidant Louis-Philippe à dé-
placer quelques troncs à l'aide du levier à crochet. Parfois il s'arrê-
tait pour humer l'arôme se dégageant des écorces et des résines. II
croyait rêver quand il se rappelait la senteur âcre des usines, la
puanteur des déehets traînant dans les ruelles, l'odeur écceurante
qui s'échappe des restaurants de quartier.
Lorsqu'il eut abattu et ébranché six pins: Louis-Philippe décida
de revenir à la maison. Dans l'après-midi, Honoré l'accompagna à
la corvée de bois de chauffage chez Louis Berthelot. Quand ils arri-
vèrent sur les lieux, les machines étaient déjà en place et chaque
homme occupait le même poste que la veille.
En voyant le nouveau venu descendre de la camionnette, Jean-
Baptiste Savoie cracha sa chique et lança, sur le ton étrivant qu'on
lui connaît :
-Dis-donc, Louis-Philippe, c'est un nouvel habitant que
t'amènes à Terre-Haute. Dommage qu'i soit pas arrivé avant !
II va sans dire que tout le monde était au courant. Louis-Phi-
lippe n'en fit pas moins les présentations.
-C'est mon cousin Honoré, le frère d'Arthur Landry, de La
Morendière. Y aura bientôt quarante ails qu'il a quitté le pays. II
est venu respirer un peu de bon air. Vous lui ferez ben une petite
place ?
La haute pile de bois fut vite avalée par la scie insatiable.
Jamais, sur les chantiers de la ville, Honoré n'avait vu autant d'en-
train. Les hommes ne s'arrêtaient même pas pour fumer. Ils se
lançaient bien quelques railleries quand la scie se taisait, mais ils
n'avaient pas le temps de jaser. Il fut étonné de l'habileté avec
laquelle chacun s'acquittait de sa tâche. II se contenta d'aider à
placer les bûches sur les cordes.