Page 78 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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vous savez que la neige sera propre et que le printemps viendra avec
ses fleurs, ses oiseaux. Tandis que chez nous ...
- J'imagine, dit Marie qui brûlait de se mêler à la conversation,
que toute la ville n'est pas comme vous dites. Il doit tout de même
y avoir des endroits plus propres et plus gais ?
-Y a les quartiers riches avec leus châteaux. Mais, c'est un
autre monde, celui des Anglais.
Louis-Philippe ne put contenir son dépit. Il dit en martelant
SES mots :
-Nous autres, Canadiens français, on a été conquis dcux fois !
L'allusion était trop subtile pour que le menuisier puisse la sai-
su. Cependant, elle bloqua la conversation comme un bâton jeté
dans la roue d'une charrette. C'est Louise qui la remit en marche.
Toujours préoccupée des affaires familiales et matrimoniales, elle
demanda à brûle-pourpoint à Honoré :
-Vous avez des enfants ?
Il répondit qu'il en avait deux, mais il ne laissa pas à la femme
le temps de continuer son réquisitoire. Du même souffle il demanda
à Éloi de lui parler de son travail au moulin. C'est quand même
Louise qui répondait à la place de son mari. Ce dernier se contentait
d'aquiescer d'un sipe de tête ou par un grognement incompréhen-
sible. Depuis trente ans, c'est sa fcmme qui pose les questions et
qui donne les réponses !
Au long de son existence, Honoré avait vu la faillite de bien
des entreprises, mais il lui paraissait inconvenable qu'une paroisse
entière puisse être rayée de la carte. ii se demandait s'il n'y avait
pas là-dessous des histoires de curés ou de politiciens. Ce qui le
frappait surtout, c'était la calme insouciance de ceux qui avaient
décidé de ne point partir avant l'hiver. Il ne put s'empêcher de
faire part de ses sentiments.
-Y a des choses que j'sus pas capable de comprendre. Vous
êtes plus qu'une poignée icitte, sans docteur, sans magasin et personne
n'a i'air de s'inquiéter.