Page 76 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Ils décidèrent d'aller à pied. Quatre à cinq arpents séparent
les deux maisons, et il fait beau.
-Hum ! la bonne air ! lança le cousin en sortant. Ça vaut un
whisky pour réveiller un gars !
L'air était sec et frisquet, à cause du vent du nord. iis mar-
chaient côte à côte sur le chemin durci par la gelée, sans prononcer
aucune parole, comme pour mieux respirer. La limpidité de I'atmos-
phère et le silence de la nuit donnaient une sonorité inhabituelle aux
aboiements d'un chien dans le lointain, au grincement d'une porte
de hangar mal jointe, au crissement des semelles sur le gravier.
Quand leurs yeux se furent habitués à l'obscurité. ils commencèrent
à distinguer la silhouette des collines enlacées comme des vagues
gigantesques.
-Tiens ! des marionnettes, s'émerveilla Honoré. Quand j'étais
jeune, je passais des heures à les regarder danser. On dirait des
rideaux en soie frippée. À soir, elles sont couleur de sang.
-Quand les aurores boréales sont rouges, reprit Louis-Philippe,
c'est signe de mauvais tenips.
-Même si y en avait au-dessus de la ville, fit le cousin, on
pourrait pas les voir à travers la poussière, la fumée et le reflet des
néons.
Il semblait au citadin qu'un voile mystérieux enveloppait les
petits bois isolés, le dos sonibre des buttes, les ravins couleur d'encre.
II se rappelait les contes de son enfance qui parlaient de fantômes,
de loups-garous, de sorcières. Un vague sentiment de frayeur com-
mençait à s'insinuer en lui quand la voix de Louis-Philippe le rappela
à la réalité.
-Nous v'la rendus ! Faites attention à la première marche !
Elle était branlante la dernière fois que j'sus venu. Je serais surpris
qu'Éloi ait eu le temps de la réparer.
En entendant des pas sur le perron, le maître de la niaison
s'était empressé d'ouvrir la porte.
-Entrez donc ! fit-il de sa voix grave, et avec un sourire
accueillant qui coupait en deux sa face ronde et débonnaire.
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