Page 64 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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-C'est pas à moi que tu f'ras accroire que tu n'pourras trouver
une job en-bas. Les gens te connaissent. En plus, t'as une femme
peu ordinaire.
-Oui, une femme trop parfaite, peut-être ?
En voyant le regard interrogateur du cousin se porter sur lui,
il continua :
-Pendant plus de trente ans, on a vécu côte à côte sans scène
de ménage violente, mais aussi sans beaucoup d'amour.
-Elle t'a pourtant donné cinq enfants !
Louis-Philippe évita l'allusion et, comme s'il regrettait la nidesse
de ses propos, il ajouta :
-Marie est bourrée de qualités et excellente maîtresse de
maison, mais elle n'était pas faite pour devenir une femme d'habi-
tant. Elle a pris la frigidité de nos montagnes.
-Tu crois pas que ça pourrait dépendre un peu de toi?
insinua le cousin.
-Y a longtemps que je ne pose plus de question. Pour les
gens d'icitte, on forme le couple le mieux assorti du canton.
Honoré résista à l'envie de lui demander pourquoi il n'était pas
allé ailleurs : il connaît les tabous de la campagne québécoise et
l'hypocrisie de ceux qui passent pour honnêtes gens. Quant à Louis-
Philippe, il parut un instant absent puis, comme s'il s'éveillait, il se
leva en bâillant et il dit au cousin :
-Tu prendrais ben un p'tit blanc ? C'est tout c'que j'ai, mais
c'est de bon cœur.
- Allons-y pour le p'tit blanc !
Et quand Louis-Philippe Iéut servi, il ajouta :
-À ta santé et à celle de Marie !
Quand les verres furent vidés, Louis-Philippe demanda, à brûle-
pourpoint :
-T'as l'intention d'être longtemps dans le pays ?