Page 313 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Il est très dangereux, même pour un excellent nageur, de
                                         sel:ourir une personne en danger de se noyer, sans les plus
                                         grandes précautions. J'en ai fait moi-même l'expérience.
                                           Je me promenais un jour sur les bords de la rivière Saint-
                                         Charles, près de l'ancien pont Dorchester, avec mon jeune
                                         fri:re, âgé de quinze ans; j'en avais vingt. Il faisait une cha-
                                         leur étouffante du mois de juillet, et l'envie de nous baigner
                                         nous prit. Il est vrai que la marée était basse; mais une
                                         fo:;se longue et profonde, près des arches du pont, pouvait
                                         suppléer à cet inconvénient quant à moi; et j'en profitai aussi-
                                         tôt. Mon frère, élevé à la campagne, ne savait pas encore
                                         nager, et aurait voulu jouir aussi de la fraîcheur de l'eau,
                                         où je me jouais comme une pourcil.
                                           J'eus alors l'imprudence de lui dire, sans autres instruc-
                                         tions:
                                           - Ne crains pas, viens avec moi, appuie seulement ta
                                         main sur mon épaule droite, nage de l'autre et des pieds,
                                         comme tu me vois faire; et tout ira bien.
                                           Tout alla bien, en effet, pendant quelques minutes; mais,
                                         en fonçant à la fin dans l'eau, il fut saisi d'une frayeur su-
                                         bite, et il m'enlaça au cou de ses deux bras, tenant sa poi-
                                         trine appuyée contre la mienne. Je ne perdis pourtant pas
                                         mon sang-froid dans ce moment critique, où toutes mes
                                         ressources de nageur étaient paralysées; je fis des efforts dé-
                                         sespérés pour prendre terre. Efforts inutiles 1 le poids de tout
                                         son corps suspendu à mon cou m'entraînait à chaque instant
                                         au fond de la fosse. Il me fallait, en outre, de toute nécessité,
                                         frapper le sable fortement de mes deux pieds pour venir res-
                                         pirer à la surface de l'eau, ce qui me faisait perdre bien
                                         du temps, en sorte que je n'avançais guère. Je me déter-
                                         minai alors à rester au fond de l'eau, et en m'aidant des
                                         pieds et des mains, en saisissant les ajoncs et les pierres,
                                         d'essayer à sortir de la terrible fosse. Je faisais un peu
                                         plus de chemin; les secondes me paraissaient des siècles,
                                         lonque j'entendis du bruit sur le rivage; je m'élançai hors
                                         de l'eau par un effort puissant, et je distinguai une voix qui
                                         criait: c Saisissez la perche!" Je l'empoignai au hasard, et
                                         notre sauveur nous tira tous deux sur le sable. C'était un
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