Page 311 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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autant de dextérité que des singes. Certaines habitudes aris-
tocratiques, que j'avais contractées dans ma famille, m'em-
pêchaient de me déchausser dans les rues 1 C'était être par
trop orgueilleux 1
J'avais donc fait beaucoup de progrès dans la gaminerie,
mais peu dans mes études, quand mon père, qui appréciait
fort peu mes talents variés et estimables, me flanqua (c'était
son expression quand il était de mauvaise humeur), me flan-
qua, dis-je, pensionnaire au séminaire de Québec. Je ne puis
niel que j'y gagnai beaucoup; mais aussi notre bonne ville
perdit un de ses polissons les plus accomplis.
~lais revenons encore une fois à mes précieux compagnons,
car au train dont je vais, mon histoire sera éternelle, elle
n'a{;~ra ni commencement ni fin.
-- Qu'allons-nous faire? cria le roule-billot en agitant ses
castagnettes.
-- Nous baigner, répondit le gamin e!l chef.
Là-dessus, nous descendîmes la côte de Léry, à la course;
et nous fûmes bien vite rendus sur la grève vis-à-vis de la
rue Sault-au-Matelot; la marée était haute et baignait le som-
met d'un rocher élevé d'environ sept à huit pieds. Quelques
min1lltes étaient à peine écoulées que mes trois amis se
jouaient comme des dauphins dans les eaux fraîches du fleu-
ve Saint-Laurent, tandis que, moi, j'étais resté triste, pensif
et désolé, comme la fille du soleil après le départ d'Ulysse.
-- Est-ce que tu ne te baignes pas? me crièrent les bien-
heureux dauphins.
-- Je ne sais pas nager, répondis-je d'une voix lamentable.
-- C'est égal, fit le principal gamin, que j'admirais beau-
coup, jette-toi toujours à l'eau, innocent 1 Imite la grenouille,
et si tu te noies, nous te sauverons.
Comment résister à une offre aussi gracieuse? c Si tu te
noies, nous te sauverons! ,. Je fus irrésolu pendant une cou-
ple de minutes; le cœur me battait bien fort: j'avais un abîme
a mes pieds. La honte l'emporta, et je m'élançai dans l'eau.
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