Page 309 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Je puis affirmer que la population mâle de la cité de Qué-
bel:, à quelques exceptions près, savait nager, il y a soixan-
te ans. Quand la marée était haute le soir pendant la belle
saison, les grèves étaient couvertes de baigneurs depuis le
quai de la Reine. maintenant le quai Napoléon, jusqu'aux
quais construits récemment sur la rivière Saint-Charles, à
l'el(trémité ouest du Palais. Quant à nous, enfants, nous pas-
siC'ns une partie de la journée dans J'eau, comme de petits
ca'lards. L'art de la natation était d'ailleurs alors très sim-
plifié: voici ma première et dernière leçon.
J'avais près de neuf ans, et je commençais à barboter très
joliment au bord de J'eau, en imitant les grenouilles, sans
résultat notable. La raison en était bien simple: le volume
d'eau n'était pas suffisant pour me faire flotter.
Je sortais un jour de J'école, à quatre heures de relevée,
lorsque j'entendis, dans la rue de la Fabrique, la voix d'un
gamin en chef qui s'égosillait à crier: cook! cook! C'était
un cri de ralJiem~nt, dont il m'est difficile de tracer J'ori-
llille; perte très sérieuse, je J'avoue, pour la génération ac-
tudle. Si j'osais néanmoins émettre une opinion sur une
qUI:stion aussi importante, je crois que ce cri venait d'un jeu
int:oduit par les enfants anglais, et que voici. Un de nous,
élu roi par acclamation, pendant un belle soirée de l'été,
s'a~$eyait majestueusement, disons, sur les marches de l'égli-
se des Récollets, remplacée par le palais de justice actuel; et
de là envoyait ses sujets à tels postes qu'il lui plaisait d'assi-
gnn aux coins dcs rues adjacentes; mais à J'encontre des
potentats de tous les pays du monde, il agissait généralement
avec assez d'équité pour que les plus grands se trouvassent
les plus éloignés de son trône. Il y avait quelquefois peut-
êtn: de la partialité; mais quel souverain, ou même quel
gouvernement constitutionnel peut se flatter d'en être
exempt?
Chacun était au poste à lui assigné; le roi criait à s'épou-
monner: a tanta! a tanta! bétri cook! et chacun d'accourir
à (!ui mieux mieux: le dernier arrivé était passible d'une
aml~nde assez arbitraire.
le lecteur, je suppose, n'est guère plus savant qu'il l'était
avant cet exposé; je vais lui venir en aide. Bien peu de Ca-
nadLens français parlaient J'anglais à cette époque; et ceux
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