Page 318 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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non seulement de beaucoup d'esprit naturel et d'un jugement
sain, mais aussi très facétieux. Je le fis asseoir à côté de
moi, quoiqu'il s'en défendit d'abord: mon père et ma mère
m'avaient accoutumé, dès l'enfance, à traiter avec beaucoup
d'égards nos respectables cultivateurs. Je ne me suis jamais
aperçu que cette conduite nous ait fait moins respecter de
cette classe d'hommes estimables; bien au contraire.
Après avoir épuisé plusieurs sujets, nous parlâmes des
revenants, auxquels Desrosiers croyait mordicus, avec une
espèce de raison appuyée sur une aventure qu'il me raconta.
- Je rencontrai, un soir, me dit-il, un de mes amis arri-
vant d'un long voyage. C'était auprès d'un jardin où avait
été enterré un Canadien rebelle, auquel le curé de la paroisse
avait refusé de donner la sépulture ecclésiastique. 1 Il Y
avait longtemps que nous ne nous étions vus, et nous nous
assîmes sur l'herbe pour jaser. Je lui dis, dans le cours de la
conversation, que Bernuchon Bois était mort.
- Est-il trépassé, dit-il, avec sa grande pipe dans la bou-
che, qu'il ornait de toutes les plumes de coq vertes et rouges
qu'il pouvait ramasser?
1. On remarquait autrefois plusieurs de ces tombes, le long de
la côte du Sud. C'étaient celles d'un certain nombre de Canadiens
rebelles, qui, pendant la guerre de 1775, avaient pris fait et
cause pour les Américains, et auxquels leurs curés avaient été
obligés, quoique bien à regret, de refuser la sépulture ecclésias-
tique, à cause de leur obstination à ne vouloir pas reconnaître
leur erreur. Ces infortunés, ayant appris que les Français com-
battaient pour la cause de l'indépendance, s'imaginèrent, à l'épo-
que de "invasion de 1775, qu'en se rangeant du côté des Améri-
cains, ils verraient bientôt venir les Français derrière eux. Le
souvenir de la conquête était, en effet, bien vivace alors, et les
persécutions du gouvernement n'avaient pas peu contribué à atti-
ser les haines invétérées des Canadiens contre les Anglais. Il
était donc bien naturel de voir les malheureux vaincus tourner
leurs regards attristés vers l'ancienne patrie, d'où ils espéraient
toujours voir revenir «leurs gens. ~ On rapporte qu'un de ces
rebelles étant à son lit de mort, le curé vint l'exhorter à avouer
sa faute. Le mourant se soulève à demi, et le regarde d'un air
de mépris en lui disant: «Vous sentez l'Anglais 1) Puis il se
retourne du côté de la muraille et expire.
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