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ont été les miennes autrefois; néanmoins je crois ne
faire que commencer à en avoir. Si l'épiscopat m'a
attiré quelques vains honneurs en France, il me faut
les payer bien cher aujourd'hui, je vous assure. Cet
espèce de journal que je me propose d'adresser à
toute ma famille vous fera connaître une partie de
mes peines physiques; mais ces peines ne sont rien
comparées à beaucoup d'autres que je dois dévorer
seul. Si je vous dis ceci, ne croyez pas que ce soit
pour me plaindre. Je voudrais seulement vous faire
voir que vous n'êtes pas la seule à souffrir. Actuelle-
ment je suis dans la réalité destitué de tout secours
humain, abandonné de tout le monde. Je serais quel-
quefois tenté de cNire que le bon Dieu m'abandonne
auss~ mais non, il ne veut pas ni'éprouver autant
que son divin Fils. Il ne m'abandonne point, je le
sens, il fait au contraire toute ma force. J'ai dû
envoyer en mission le seul compagnon que j'avais
avec moi, mes serviteurs m'ont abandonné, je n'ai
pas même à qui faire laver mon linge et celui de
trois enfants que j'ai ici avec moi. De ces enfants
les deux seuls capables de m'aider vont aussi m'a-
bandonner. Tl me reste encore un frère qui a toute
la bonne volonté possible de me secourir; mais ce
bon frère est malade. Dès qu'il se croit un peu bien,
i] se jette au travail afin de me secourir, puis il re-
tombe aussitôt. Je vais probablement l'envoyer à
Saint-Boniface afin qu'avec nne meilleure nourriture
il puisse rétablir sa santé. Cependant l'époque de la
mission vient à grands pas, tous les jours nous voyons
maintenant quelques sauvages; bientôt ils seront
réunis ici en Krand nombre, n'ayant pour la plupart
jamais vu le prêtre ou ne l'ayant vu qu'en passant.