Page 30 - monseigneur
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bonnes !... Après la traite, elles retournaient au clos. Mon
père coulait le lait et allait le porter à la fromagerie le matin.
Nous en gardions pour le bébé et pour les grands-parents. Ma
grand-mère en faisait cailler une terri née, pour manger avec
du sucre du pays. La crème sur le dessus, bien sucrée, c'était
bon! Mes grands-parents aimaient ça.
Nous gardions aussi une vache en éguère, c'est-à-dire
qu'elle n'avait pas affaire au boeuf, dans le temps des
amours! Ce qui fait qu'elle restait fille, n'avait pas de veau et
fournissait du lait tout l'hiver. C'était la coutume.
Le savon de ménage se faisait à la maison, dans un grand
chaudron qui était en permanence dans la cour. Mon père et
mon grand-père aidaient à le faire. Ça se fabriquait avec la
graisse des tripes, les résidus de la viande de boucherie et
d'autres gras. Ils faisaient le tout avec de l'arcanson, du sel.
Quand le savon était à point, il remontait à la surface. Ce qui
restait en dessous, c'était la potasse qui servait pour le lavage
du plancher et pour d'autres lavages aussi. Nous achetions du
savon d'odeur (parfumé) pour la figure et pour la toilette du
dimanche.
Ma mère faisait le pain une fois par semaine, huit ou neuf
gros pains sur la sole. C'est mon grand-père qui chauffait le
grand four à côté de la maison. Quand le pain était cuit, ma
mère en profitait pour faire cuire ses tartes sur le reste de la
chaleur. Mon grand-père l'aidait; il aimait bien manger.
Dans mon jeune temps aussi, nous avions chez nous une
baratte. Ma grand-mère faisait quelquefois du beurre. Elle le
mettait dans une tinette en bois, remplie de saumure. Ce
beurre était bon, mais il ne se conservait pas longtemps. Le
beurre rance, ce n'est pas mangeable, et ma mère, quand elle
s'est martée, a mis fin à cette méthode. Ma grand-mère faisait
aussi du café au lait avec des croûtes de pain rôties ou brûlées.
C'était bon, mais ça non plus, ça n'a pas duré. Ma mère, qui
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