Page 34 - monseigneur
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Cette bonne aidait beaucoup au grand ménage et pour le
                             transfert des choses qui nous seraient nécessaires dans la
                             grand-maison.
                                 Après que la laine avait été filée, on montait l'ourdissoir.
                             Ma mère et ma grand-mère avaient chacune leur rouet. L'our-
                             dissoir était placé dans l'allonge avant les froids; ma grand-
                              mère le faisait marcher à la main et ma mère marquait chaque
                             aune avec du bleu à laver placé dans un petit morceau de linge
                              mouillé. Il y avait quatre poteaux, et entre chacun ça mesurait
                             une aune. Ainsi, ma mère pouvait monter le nombre d'aunes
                             dont elle avait besoin, soit pour des catalognes de lit ou de
                             plancher, ou des couvertures de laine. Ceci terminé, ma mère
                             faisait des écheveaux au dévidoir et elle lavait la laine. Elle en
                             teignait quelques écheveaux en rouge indigo (nous disions bien
                             «rouge indigo»: un rouge foncé), teinture qu'elle préparait
                             elle-même. Les canelles (canettes) que l'on plaçait dans la tête
                             du rouet se faisaient au canellier (canetière). Nous faisions des
                             pelotons pour le tricotage des bas et pour faire les trames pour
                             l'ouvrage au métier. Les trèmes (bobines) étaient faites avec
                             des branches de sureau. Mon père les coupait par bouts de
                             cinq ou six pouces et enlevait le dedans qui était moelleux,
                             puis les faisait sécher. On les enroulait de laine, au rouet, je
                             pense, pas trop grosses car elles étaient placées dans la navette
                             qui devait circuler entre les croisements de la chaîne.
                                 Le métier comportait deux rouleaux, un à chaque bout,
                             deux lames si c'était une pièce simple et quatres lames si
                             c'était une pièce double; c'était alors plus compliqué. Les
                             lames, faites de cordes entremêlées de noeuds, étaient atta-
                             chées après des barres dans le haut du métier, de même que le
                             ros qui était placé en avant des James. Mon père aidait ma
                             mère à monter sa pièce, car il fallait que la chaîne soit bien
                             serrée sur le rouleau pour que le travail soit solide. C'est bien
                             compliqué pour moi, car si j'ai vu faire ça bien des fois quand
                             j'étais petite, je n'ai jamais bien compris le passage de la


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