Page 25 - monseigneur
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avions de tout. Mon père avait acheté deux rosiers de roses
                                  doubles et deux vignes, une de raisins verts et l'autre de raisins
                                  bleus. Plus tard, il a acheté deux pommiers de pommes-
                                  pêches. Il était un peu embardeux (entreprenant) comme
                                  disait mon grand.père, qui n'approuvait pas ces achatg!
                                  Mais je pense qu'il était un innovateur. Tout ce qui était nou-
                                  veau l'attirait et pourtant nous n'étions pas riches! Dans le
                                  jardin, nous semions aussi quelques rangs de blé d'Inde
                                  piquant pour le pop-corn: le blé d'Inde «poffé ». Le soir à la
                                  veillée, sur les braises, avant de faire une autre attisée, nous en
                                  faisions «poffer » (éclater) un grand plat. C'était délicieux!
                                  Nous pelions aussi des patates, que nous coupions en tranches
                                  et faisions cuire collées dans le haut du fourneau. Des chips à
                                  notre façon. C'était très bon!
                                     Mon père semait aussi du lin. Quand le lin était mûr, il
                                  l'étendait un peu dans le champ pour le faire sécher, après
                                  quoi il fallait le broyer. Mon grand-père creusait un fosflé
                                  assez long, mais pas très large, près d'une source que nOlis
                                  avions là. Il y faisait du feu. Des claies en fer étaient placées
                                  sur ce fossé et le lin y était déposé pour le rouissage. Le feu
                                  devait être contrôlé, et c'est mon grand-père qui s'en occu-
                                  pait. Les voisines venaient aider ma mère et ma grand-mère
                                  pour broyer. Ces braies étaient des espèces de chevalets avec
                                  des rainures dans lesquelles un bras devait entrer et casser
                                  l'écale du lin. Nous, les enfants, nous essayions de manoeuvrer
                                  cet instrument, mais c'était assez difficile à contrôler. Je vois
                                  encore ce feu rouge à la brunante et j'entends tout ce bruit
                                  fait par les brayeuses. Les enfants d'aujourd'hui ne con-
                                  naîtront pas ça ; ils ne peuvent seulement pas l'imaginer et
                                  c'est dommage! C'était intéressant. Ce lin était ensuite filé
                                  par ma mère et ma grand-mère, puis travaillé au métier
                                  pour faire des serviettes de vaisselle et des draps de lit inusa-
                                  bles. C'était un peu rude pour commencer, mais à la longue,
                                  ça devenait très blanc, doux et frais.


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