Page 23 - monseigneur
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y a-t-il quelque chose de meilleur? Les sucres terminés,
les chaudières étaient rapportées à la maison et nettoyées dans
l'allonge. Elles étaient placées, elles aussi, dans le haut du
hangar.
Les terres du petit chenail étaient traversées par des fossés.
Le printemps, les hommes devaient nettoyer ces fossés pour
l'égouttement des terres. Chaque habitant travaillait le
nombre d'heures calculé sur la largeur de sa terre. Ceux qui
n'avaient qu'un quart d'arpent ou un demi-arpent travaillaient
moins longtemps que ceux qui en avaient plus. Cela durait
quelques jours; ça devait être fatigant, mais les hommes
n'étaient pas trop pressés, avant les travaux proprement dits.
Nous nous intéressions à les voir passer, la pelle sur l'épaule.
Le midi, mon père disait: « Nous sommes rendus chez un tel,
nous achevons. »
Et les travaux du printemps commençaient. La naissance
des veaux était parfois laborieuse! Pas de vétérinaire! Les
hommes devaient se débrouiller et, des fois, passer des nuits
blanches! Nous gardions les plus beaux veaux; les autres
étaient tués et la peau tannée au village. Je pense que nous
avions deux cordonniers; ils nous faisaient, avec ces peaux,
des bottes ordinaires avec hausses jusqu'aux genoux et d'au-
tres avec de longues hausses pour le temps de l'eau haute. Ils
faisaient aussi des bottes malouines (avec des talons). Dans
mon jeune temps, nous ne mangions pas de veau! Les veaux,
dépouillés de leur peau, étaient traînés au bord du bois, livrés
aux chiens et aux corbeaux! Quel gaspillage!
Les semailles, dans mon jeune tem ps, se faisaient à la
main. Mon grand-père se suspendait au cou un grand sac de
toile rempli de grains qu'il distribuait à la volée, le plus régu-
lièrement possible. Le labour se faisait le printemps, dès que
la terre était en état, mais il y avait aussi des labours d'autom-
ne. Mon pauvre père, qui était asthmatique, avait bien du
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