Page 50 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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cuisinière. Marie sortit de la chambre à coucher les yeux rougis et
le mouchoir à la main.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? lui demanda le mari inquiet.
-Ici, rien. Le malheur, c'est pas seulement le lot des gens
de la montagne. Sur cette Terre de misères, chacun a ses soucis.
- J'sus ben d'accord que les gens malheureux ne sont pas tous
à Terre-Haute, mais ça ne m'renseigne pas sur ce qui te chagrine.
- Ernestine est malade, et gravement, j'en ai peur. Son mari
est inquiet. J'suis sûre qu'il en sait plus qu'il en dit.
- A-t-elle vu un spécialiste ?
-Elle part demain pour Montréal, mais je crains qu'il ne soit
trop tard. Elle a dépéri depuis la dernière fois que je l'ai vue.
Louis-Philippe ne put retenir son indignation. 11 se promenait
de long en large en vociférant :
-Pourquoi, grand dieu ! tolère-t-on cette situatjon inhumaine
qui oblige les malades à faire quatre à cinq cents milles pour se
faire soigner ? Y est plus que temps que le Gouvernement se
grouille !
-On ne peut forcer les spécialistes à s'établir dans les cam-
pagnes, fit Marie, entre deux sanglots.
- J'sus pour la liberté, mais pour tout l'monde. Ne pas pouvoir
se faire soigner dans sa région, t'appelles ça comment ? La liberté,
e'est un manteau qui recouvre facilement l'égoïsme le plus sordide.
Pourquoi les spécialistes ne se déplaceraient-ils pas pour faire des
cliniques dans les coins reeulés !
Et il ajouta en guise de conclusion :
-Comme liberté, il nous reste celle de respirer et celle de
mourir ...
Après s'être tu un moment pour reprendre son souffle, il explosa
de nouveau :
-Si ça change pas avant longtemps, quelqu'un va finir par
récolter les fruits amers de la colère !