Page 114 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Un vendredi soir, au beau milieu d'une émission de télévision
sur les affaires régionales, l'électricité manqua. Tandis que Marie
cherchait à tâtons la vieille lampe à pétrole, Louis-Philippe eut un
mouvement d'impatience.
- Ça parle au diabIe ! lan~a-t-il dans les ténèbres. Juste au
moment où ça allait être intéressant ! J'peux pas croire qu'on nous
couperait le courant pour de bon !
II se rappelait la menace voilée de petits fonctionnaires. Et,
comme pour cacher son inquiétude, il dit sur un ton neutre :
-Le député a pourtant promis que l'électricité ne serait pas
enlevée tant qu'il resterait une famille à Terre-Haute.
-Les promesses de député, reprit sèchement la femme, tu
sais ce que ça vaut. On a payé plusieurs fois pour l'apprendre ...
-Pourquoi vous énerver avant le temps, intervint Pierre, qui
aime à placer son grain de sel à l'occasion. C'est p't'être seulement
un accident, dit-il en ouvrant son transistor.
Le poste de radio donna les nouvelles locales : quelques écoles
avaient fermé leurs portes à cause d'une épidémie de grippe ; deux
jeunes gens avaient été grièvement blessés quand leur automobile
avait passé droit dans la courbe, près du pont de la rivière aux
Cèdres ; vingt-huit pour cent des travailleurs de la Péninsule sont
en chômage. Puis suivirent quelques nouvelles internationales : une
bombe a éclaté à Montréal ; la guerre continue en Indochine ...
Le récepteur s'était tu. Longtemps, dans le silence et la demi-
obscuriti, Louis-Philippe pensa à l'absurdité des conditions humaines.
II se disait :
-Par quelle force obscure l'Humanité est-elle poussée à pro-
voquer ses propres malheurs ?
C'est Marie qui le tira de ses réflexions en lui posant une
question bien plus terre-à-terre :
-Pourquoi ne téléphonerais-tu pas à La Morendière ? Narcisse
pourrait peut-être te dire ce qui est arrivé ?