Page 85 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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- Comment se fait-il, Marcheterre, dit M. de Beaumont,
que vous n'ayez jamais raconté cette bonne espièglerie?
- Il Y avait de la presse, reprit le capitaine, de répandre
partout que nous avions été mystifiés par ce maringouin;
d'ailleurs, c'eût été peu obligeant de notre part de vous faire
savoir que vous deviez cette fête à la munificence de M. Jules
d'Haberville: nous préférions en avoir le mérite. Si j'en
parle aujourd'hui, c'est que j'ai trouvé le tour si drôle, que
Je pensais vous amuser en vous le racontant.
Il me semble, M. le plongeur, fit ensuite Marcheterre en
s'adressant à Arché, que malgré vos airs réservés de philo-
sophe, vous avez été complice de votre cher compagnon de
voyage.
- Je vous donne ma parole, dit de Locheill, que j'ignorais
absolument le tout: ce n'est que le lendemain que Jules me
fit part, sous secret, de son escapade, dont je le grondai
sévèrement.
- Dont tu n'avais guère profité, fit d'Haberville, en fai-
sant jouer tes grandes jigues (jambes) écossaises au péril
éminent des tibias plus civilisés de tes voisins. Tu as sans
doute oublié que non content de danser les cotillons fran-
çais, admis chez tous les peuples policés, il fallut, pour te
plaire, danser tes scotch reels 1 sur un air que notre joueur
de violon apprit aussitôt par oreille, chose assez facile d'ail-
leurs. Il s'agissait simplement, en serrant les cordes du vio-
lon, d'imiter les miaulements que feraient des chats enfermés
dans une poche, et que l'on tirerait par la queue.
- Allons, mauvais sujet, dit le capitaine à Jules, viens
manger la soupe chez moi, demain, avec ton ami, et faire en
même temps ta paix avec la famille.
- C'est ce qui s'appelle parler cela, fit Jules.
- Voyez donc ce farceur, reprit Marcheterre.
Comme il était très tard, il fallut se séparer, après avoir
bu à la santé du vieux marin et de son fils, et leur avoir
donné la part d'éloges qu'ils méritaient tous deux.
1. Les scotch reels, que les habitants appellent cos-reels, étaient,
li ma connaissance, dansés dans les campagnes, il y a soixante et
dix ans. Les montagnards écossais, passionnés pour la danse com-
me nos Canadiens, les avaient sans doute introduits peu de temps
après la conquête.
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