Page 88 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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voyage, trajet qu'il leur fallait faire à pied, en pestant contre
la pluie qui avait fait disparaître les derniers vestiges de
neige et de glace. Ce fut bien pis, lorsqu'engagés dans le che-
min qui traversait alors la savane du Cap Saint-Ignace 1,
ils enfoncèrent souvent jusqu'aux genoux, et qu'i] leur fallut
dépêtrer le cheval, qui s'embourbait jusqu'au ventre. Jules,
le plus impatient des trois, répétait sans cesse:
- Si j'eusse commandé au temps, nous n'aurions pas eu
cette pluie de tous les diables, qui a converti les chemins en
autant de marécages.
S'apercevant enfin que José branlait, à chaque fois, la tête
d'un air mécontent, il lui en demanda la raison.
- Ah 1 dame 1 voyez-vous, M. Jules, dit José, je ne suis
qu'un pauvre ignorant sans inducation; mais je pense, à part
moi, que si vous aviez eu le temps dans la main, nous n'en
serions guère mieux: témoin, ce qui est arrivé à Davi (Da-
vid) Larouche.
- Tu nous conteras l'aventure de Davi Larouche, dit
Jules, quand nous aurons passé cette maudite savane dont
j'ai bien de la peine à me dépêtrer, privé que je suis de l'avan-
tage de jambes, ou pattes de héron, dont est gratifié ce super-
be Ecossais, qui marche devant nous en sifflant une pibroch,
musique digne des chemins où nous nous perdons.
- Combien donnerais-tu, dit Arché, pour échanger tes
jambes françaises de pygmée contre celles du superbe mon-
tagnard?
- Garde tes jambes, fit Jules, pour la première retraite
un peu précipitée que tu feras devant l'ennemi.
La savane enfin franchie, les jeunes gens demandèrent
l'histoire de José.
- Il est bon de vous dire, fit celui-ci, qu'un nommé Davi
Larouche était établi, il y a longtemps de ça, dans la'paroisse
de Saint-Roch. C'était un assez bon habitant, ni trop riche.
ni trop pauvre: il tenait le mitan. Il me ressemblait le cher
homme, il n'était guère futé; ce qui ne l'empêchait pas de
rouler proprement parmi le monde.
1. Il n'était pas prudent, à certaines saisons de l'année, de se
mettre en route à moins d'affaires indispensables, sans s'informer
de l'état de la savane du Cap, il y a quelque soixante ans. J'en
parlerai plus au lon~ dans une autre note.
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