Page 90 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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filles? prends garde à toi; si tu fais des averdingles (fre-
daines) je te repasserai en saindoux.
- Tu sais ben que non, fit Larouche en lui ceinturant les
reins d'un petit coup de fouet par façon de risée; nous voici
à la fin de mars, mon grain est tout battu, je m'en vais porter
ma dîme au curé.
- Tu fais bien, mon homme, que lui dit sa femme, qui
était une bonne chrétien.:le: il faut rendre au bon Dieu ce
qui nous vient de lui.
Larouche charge donc ses poches sur son traîneau, jette
un charbon sur sa pipe, saute sur la charge, et s'en va tout
joyeux.
Comme il passait un petit bois, il fit rencontre d'un voya-
geur qui sortait par un sentier de traverse. Cet étranger était
un grand bel homme d'une trentaine d'années. Une longue
chevelure blonde lui flottait sur les épaules; ses beaux yeux
bleus avaient une douceur angélique, et toute sa figure, sans
être positivement triste, était d'une mélancolie empreinte
de compassion. Il portait une longue robe bleue nouée avec
une ceinture. Larouche disait n'avoir jamais rien vu de si
beau que cet étranger; que la plus belle créature était laide
en comparaison.
- Que la paix soit avec vous, mon frère, lui dit le voya-
geur.
- Je vous remercie toujours de votre souhait, reprit Davi;
une bonne parole n'écorche pas la bouche; mais c'est pourtant
ce qui presse le moins. Je suis en paix, Dieu merci, avec
toute le monde: j'ai une excellente femme, de bons enfants,
je fais un ménage d'ange, tous mes voisins m'aiment: je n'ai
donc rien à désirer de ce côté-là.
- Je vous en félicite, dit le voyageur. Votre voiture est
bien chargée; où allez-vous si matin?
- C'est ma dîme que je porte à mon curé.
- Il paraît alors, reprit l'étranger, que vous ave~ eu une
bonne récolte, ne payant qu'un seul minot de dîme par
vingt-six minots que vous récoltez.
- Assez bonne, j'en conviens; mais si j'avais eu du temps
l souhait et à ma guise, ça aurait été bien autre chose.
- Vous croyez? dit le voyageur.
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