Page 290 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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l'Europe, avait alors trop de besogne sur les bras pour s'oc-
cuper d'une petite colonie contenant quelques millions d'ar-
pents de neige, suivant une expression peu flatteuse pour
nous.
La politique de nos autorités, à cette époque, était S0"')-
çonneuse et partant cruelle. On croyait voir partout )es
émissaires du gouvernement français. Deux Canadiens furent
alors expulsés du pays: leur crime était d'avoir été à la Mar-
tinique, je crois, dans un navire américain, pour terminer
quelques affaires de commerce: on leur fit la grâce d'em-
mener avec eux leurs fem mes et leurs enfants.
Je fis la rencontre dans un hôtel d'Albany, en l'année
1818, d'un vieillard qui vint passer la soirée dans un salon où
nous étions réunis. Il avait bien certainement la tournure
d'un Yankee, mais, quoiqu'il parlât leur langue avec facilité,
je m'aperçus qu'il avait l'accent français: et comme un Fran-
çais s'empresse toujours de répondre à une demande polie
(soit dit sans offenser d'autres nations moins civilisées),
j'abordai franchement la question, et je lui demandai s'il
était Français.
- Certainement, me dit-il; et je suppose que vous êtes un
compatriote?
- Mais quelque chose en approchant, répliquai-je: je
suis d'origine française et citoyen de la ville de Québec.
- Ah ! la cité de Québec! fit-il, me rappelle de bien dou-
loureux souvenirs. J'ai été incarcéré pendant l'espace de
deux ans dans l'enceinte de ses murs, et je veux être pendu
comme un chien si je sais, même aujourd'hui, quel crime
j'avais commis. C'était, il est vrai, au début de la révolution
française, la république était en guerre avec l'Angleterre;
mais, étant sujet américain naturalisé depuis longtemps, je
crus pouvoir sans crainte visiter le Canada avec mes mar-
chandises. On m'empoigna néanmoins aussitôt que j'eus
franchi la frontière, et je fus enfermé dans le couvent des
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