Page 292 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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J'oubliais de dire que les premières paroles qu'il proféra
                                   lorsqu'il sut que j'étais de Québec, furent celles-ci:
                                     -  c Madame La Badie est-elle encore vivante? ..
                                     Et il se répandit ensuite en éloges sur cette bonne et cha-
                                   ritable femme à laquelle il avait tant d'obligation, et de grosses
                                   larmes roulèrent dans ses yeux.




                                     (b) J'ai dit et fait même des bêtises pendant le cours de
                                   ma longue vie; mais Baron m'a corrigé depuis soixante ans
                                   d'en répéter une qui s'est propagée de génération en géné-
                                   ration jusqu'à nos jours: c'est autant de gagné.
                                     Le pont de la Pointe-Lévis avait pris à vive et fine glace
                                   pendant la nuit; mais les canotiers l'avaient néanmoins tra-
                                   versé avec leurs canots en l'endommageant un peu. Baron,
                                   qui avait son franc parler, était au débarcadère de la basse
                                   ville, entouré d'un groupe d'hommes considérable.
                                     -  Eh bien! maître Baron, dit un citadin, voilà le pont pris
                                   malgré vos efforts pour l'en empêcher.
                                     -  Il n'y a que les gens de la ville assez simples, répliqua
                                    Baron, pour croire de telles bêtises 1 Nous traversons le pont
                                   avec nos canots, bande d'innocents, quand la glace est fai-
                                    ble, crainte d'accident pour nos pratiques qui ne peuvent
                                    attendre qu'elle soit plus ferme. Vos imbéciles de la citadelle
                                    tirent le canon pour nous disperser, quand ils nous voient de
                                    grand matin occupés à préparer des chemins pour descendre
                                    nos canots ou pour d'autres objets. Nous ne sommes ordinai-
                                    rement qu'une poignée d'hommes; mais vous autres qui êtes
                                    si fins, mettez-vous donc à l'œuvre, cinq, dix et même vingt
                                    mille hommes, et nous verrons si vous le ferez déraper 1
                                      Baron avait bien raison: j'ai vu des cinquantaines d'hom-
                                    mes travailler des journées entières pour faire avancer d'un
                                    demi-arpent des goélettes prises dans les glaces formées pen-
                                    dant une seule nuit sur de bien petites rivières.

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