Page 284 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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étaient à notre départ, étaient devenus ternes, et la pâleur
habituelle aux sauvages pendant l'ivresse se répandit sur
tous ses traits. Je fis part de cette découverte à mon ami,
afin d'être préparés à tout événement. Nous convînmes que
le plus prudent pour nous était de continuer notre route;
que quand bien même le Montagnais consentirait à retour-
ner, cette manœuvre nous exposerait à un danger imminent.
Toutefois, nous eûmes la précaution d'ôter nos souliers.
Je puis affirmer que nous volions sur l'eau comme des
goélands. La femme coupait les vagues avec une adresse ad-
mirable, tandis que son mari, nageant tantôt du côté droit,
tantôt du côté gauche, en se balançant pour conserver l'équi-
libre, poussait le léger canot d'écorce avec un bras d'Her-
cule. Nos amis, qui, assis sur le rivage de la Pointe-Lévis,
nous voyaient venir, sans se douter que nous étions dans la
barque, nous dirent ensuite qu'ils distinguaient souvent le des-
sous de notre canot dans toute sa longueur, comme si nous
eussions volé au-dessus des vagues. 0 jeunesse imprudente 1
L'ami d'enfance, l'ami de cœur dont j'ai parlé plus haut,
était le Dr Pierre de Sales Laterrière, alors étudiant en mé-
decine et frère de l'honorable Pascal de Sales Laterrière,
membre actuel du Conseil législatif. Il m'a abandonné, com-
me tant d'autres, sur le chemin de la vie, il y a déjà près
de vingt-cinq ans.
Dix ans, à peu près, avant cette aventure, et c'était encore
un dimanche, pendant l'été, la ville de Québec offrait un
spectacle qui paraîtrait bien étrange de nos jours: il est vrai
de dire qu'il s'est écoulé bien près de trois quarts de siècle
depuis cette époque; car alors j'étais, tout au plus, âgé de
neuf ans.
Vers une heure de relevée, un grand nombre de sauvages,
traversés de la Pointe-Lévis, commencèrent à parcourir les
rues par groupes assez imposants pour inspirer quelque
inquiétude au commandant de la garnison, qui fit doubler
les gardes aux portes de la ville et des casernes. Il n'y avait
pourtant rien de bien hostile dans leur aspect: les hommes,
à la vérité, n'avaient pour tout vêtement que leurs chemises
et leurs brayets, pour toute arme que leur tomahawk, dont
ils ne se séparaient jamais. Quelques chevelures humaines
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