Page 274 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Lorsque Jules avait dit à sa sœur: c Si j'aimais une An-
                                  " glaise, et qu'elle voulût accepter ma main, je l'épouserais
                                  "sans plus de répugnance qu'une de mes compatriotes,.
                                  elle était loin alors de soupçonner les vraies intentions de
                                  son frère. Jules, en effet, pendant la traversée de l'Atlan-
                                  tique, avait fait la connaissance d'une jeune demoiselle an-
                                  glaise d'une grande beauté. Jules, autre Saint-Preux, lui
                                  avait donné d'autres leçons que celles de langue et de gram-
                                  maire françaises, pendant un trajet qui dura deux mois. Il
                                  avait d'ailleurs montré son bon goût: la jeune fille, outre
                                  sa beauté ravissante, possédait toutes les qualités qui peu-
                                  vent inspirer une passion vive et sincère.
                                    Enfin, tous les obstacles levés, toutes les difficultés sur-
                                  montées par les deux familles, Jules épousa l'année suivante
                                  la blonde fille d'Albion, qui sut bien vite gagner le cœur
                                  de tous ceux qui l'entouraient.
                                    Mon oncle Raoul, toujours rancunier au souvenir de la
                                  jambe que les Anglais lui avaient cassée dans l'Acadie, mais
                                  trop bien élevé pour manquer aux convenances, se ren-
                                  fermait d'abord, quand il voulait jurer à l'aise contre les
                                  compatriotes de sa belle nièce; mais, entièrement subjugué
                                  au bout d'un mois par les prévenances et l'amabilité de la
                                  charmante jeune femme, il supprima tout à coup ses jurons,
                                  au grand bénéfice de son âme et des oreilles pieuses qu'il
                                  scandalisait.
                                    Ce coquin de Jules, disait mon oncle Raoul, n'est pas
                                  dégoûté d'avoir épousé cette Anglaise; et il avait bien raison
                                  ce saint homme de pape de dire que ces jeunes insulaires
                                  seraient des anges, s'ils étaient seulement un peu chrétiens:
                                  non Angli, sed angeli forent si essent christiani, ajoutait-il
                                  d'un air convaincu.
                                    Ce fut bien autre chose quand le cher oncle, tenant un
                                  petit-neveu sur un genou et une petite-nièce sur l'autre, les
                                  faisait sauter en leur chantant les jolies chansons des voya-
                                  geurs canadiens. Qu'il était fier quand leur maman lui
                                  criait:
                                    Mais venez donc, de grâce, à mon secours, mon cher
                                  oncle, ces petits démons ne veulent pas s'endormir sans
                                  vous.
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