Page 270 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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- Un service 1 fit Dumais; serais-le assez heureux, moi
pauvre cultivateur, pour être utile à un gentilhomme comme
vous? Ce serait le plus beau jour de ma vie.
- Eh bien! Dumais, ij ne dépendra que de vous de me
rendre la santé: tel que vous me voyez, je suis malade, plus
malade que vous ne pensez.
- En effet, dit Dumais, vous êtes pâle et plus triste qu'au-
trefois. Qu'avez-vous, mon Dieu?
- Avez-vous entendu parler, repartit de Locheill, d'une
maladie, à laquelle les Anglais sont très sujets, et que l'on
appelle le spleen ou diable bleu?
- Non. fit Dumais; j'ai connu plusieurs de vos Anglais,
qui, soit dit sans vous offenser, paraissaient avoir le diable
au corps, mais je les aurais crus, ces diables, d'une couleur
plus foncée.
Arché se prit à rire.
- Ce que l'on appelle, mon cher Dumais, diable bleu, chez
nous, est ce que vous autres Canadiens appelez peine d'es-
prit.
- Je comprends maintenant, dit Dumais; mais qu'un hom-
me comme vous, qui a tout à souhait, qui possède tant d'es-
prit, et tant de ressources pour chasser les mauvaises pensées,
puisse s'amuser à vos diables bleus, c'est ce qui me surpasse.
- Mon cher Dumais, reprit Arché, je pourrais vous ré-
pondre que chacun a ses peines dans le monde, même ceux:
qui paraissent les plus heureux; qu'il me suffise de vous
dire que c'est maladie chez moi, et que je compte sur vous
pour m'en guérir.
- Commandez-moi, M. Arché, je suis à vous le jour
comme la nuit.
- J'ai essayé de tout, continua Arché: l'étude, les travaux
littéraires; j'étais mieux le jour, mais mes nuits étaient sans
sommeil; et, si j'avais même la chance de dormir, je me ré-
veillais aussi malheureux qu'auparavant. J'ai pensé qu'un
fort travail manuel pourrait seul me guérir, et qu'après une
journée de fort labeur, je goûterais un sommeil réparateur
qui m'est refusé depuis longtemps.
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