Page 275 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Mon oncle Raoul avait déclaré qu'il se chargerait de
                                         l'éducation militaire de son neveu; aussi, dès l'âge de qua-
                                         tre ans, ce guerrier en herbe, armé d'un petit fusil de bois,
                                         faisait déjà des charges furieuses contre l'abdomen de son
                                         instructeur, obligé de défendre avec sa canne la partie
                                         a!siégée.
                                           - Le petit gaillard, disait le chevalier en se redressant,
                                         aura le bouillant courage des d'HaberviIle, avec la ténacité
                                         et l'indépendance des fiers insulaires dont il est issu par sa
                                         mère.
                                           José s'était d'abord montré assez froid pour sa jeune maÎ-
                                         tr,~sse; mais il finit par lui être sincèrement attaché. Elle
                                         ayait bien vite trouvé le point vulnérable de la cuirasse. José,
                                         c(lmme son défunt père, aimait le vin et l'eau-de-vie, qui
                                         n'avaient d'ailleurs guère plus d'effet sur son cerveau bre-
                                         ton que si l'on eût versé les liqueurs qu'il absorbait sur la
                                         tête du coq dont était couronné le mai de son seigneur,
                                         afin de fausser le jugement de ce vénérable volatile dans ses
                                         fonctions; aussi la jeune dame ne cessait de présenter à
                                         José, tantôt un verre d'eau-de-vie pour le réchauffer, tantôt
                                          un gobelet de vin pour le rafraîchir; et José finit par avouer
                                         qle, si les Anglais étaient pas mal rustiques, les Anglaises
                                         ne leur ressemblaient nullement.
                                           Monsieur et Madame d'Haberville rassurés, après tant
                                         de malheurs, sur l'avenir de leurs enfants, coulerent des
                                         jours paisibles et heureux jusqu'à la vieillesse la plus recu-
                                         lét:. Les dernières paroles du capitaine à son fils furent:
                                           - Sers ton nouveau souverain avec autant de fidélité que
                                         j'ai servi le roi de France; et que Dieu te bénisse, mon cher
                                         fjlil, pour la consolation que tu m'as donnée!
                                            Mon oncle Raoul, décédé trois ans avant son frère, n'eut
                                         qu'un regret avant de mourir: celui de laisser la vie avant
                                         que son petit-neveu eût embrassé la carrière militaire.
                                           .- Il n'y a qu'une carrière digne d'un d'Haberville, ré·
                                         pétait-il sans cesse, c'est celle des armes.
                                           ][1 se consolait pourtant un peu dans l'espoir que son ne·
                                         veu, qui achevait de brillantes études, serait un savant com-
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