Page 265 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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-- Je t'en donne ma parole, dit Jules en lui serrant la
                                        main.
                                          De Locheill raconta alors, sans omettre les moindres
                                        cin:onstances, l'entretien qu'il avait eu récemment avec Blan-
                                        che; et, allumant une bougie, il se retira, en soupirant, dans
                                        sa c:hambre à coucher.
                                          Jules passa une nuit des plus orageuses. Lui qui n'avait
                                        étudié la femme que dans les salons, dans la société frivole
                                        du faubourg Saint-Germain, ne pouvait comprendre ce qu'il
                                        y avait de grand, de sublime, dans le sacrifice que s'impo-
                                        sait sa sœur: de pareils sentiments lui semblaient romanes-
                                        que" ou dictés par une imagination que le malheur avait
                                        faw:sée. Trop heureux d'une alliance qui comblait ses vœux
                                        les plus chers, il se décida, avec l'assentiment d'Arché, à un
                                        entretien sérieux avec Blanche, bien convaincu qù'i! triom-
                                        pherait de ses résistances: elle l'aime, pensa-t-il, ma cause est
                                        gagnée.
                                          L'homme, avec toute son apparente supériorité, l'homme
                                        dam son vaniteux égoïsme, n'a pas encore sondé toute la pro-
                                        fondeur du cœur féminin, de ce trésor inépuisable d'amour,
                                        d'abnégation, de dévouement à toute épreuve. Les poètes
                                        ont bien chanté sur tous les tons cette Eve, chef-d'œuvre de
                                        beauté, sortie toute resplendissante des mains du Créateur;
                                        mai:, qu'est-ce que cette beauté toute matérielle comparée à
                                        cellil de l'âme de la femme vertueuse aux prises avec l'ad·
                                        versité? C'est là qu'elle se révèle dans tout son éclat; c'est
                                        sur cette femme morale que les poètes auraient dû épuiser
                                        leun louanges. En effet, quel être pitoyable que l'homme
                                        en face de l'adversité 1 c'est alors que, pygmée méprisable,
                                        il s'appuie en chancelant sur sa compagne géante, qui, com-
                                        me l'Atlas de la fable portant le monde matériel sur ses
                                        robustes épaules, porte, elle aussi, sans ployer sous le fardeau,
                                        tout,~S les douleurs de l'humanité souffrante! Il n'est point
                                        surprenant que Jules, qui ne connaissait que les qualités
                                        matérielles de la femme, crût triompher aisément des scru-
                                        pules de sa sœur.
                                          -- Allons, Blanche, dit Jules à sa sœur après dîner, le len-
                                        demain de l'entretien qu'il avait eu avec son ami; allons,
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