Page 266 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Blanche, voici notre Nemrod écossais qui part, son fusil sur
                                  l'épaule, pour nous faire manger des sarcelles à souper;
                                  voyons si nous gravirons l'étroit sentier qui conduit au som-
                                  met du cap, aussi promptement que dans notre enfance.
                                    -  De tout mon cœur, cher Jules; cours en avant, et tu
                                  verras que mes jambes canadiennes n'ont rien perdu de leur
                                  agilité.
                                    Le frère et la sœur, tout en s'aidant des pierres saillantes,
                                  des arbrisseaux qui poussaient dans les fentes du rocher,
                                  eurent bien vite monté le sentier ardu qui conduit au haut
                                  du cap; et là, après un moment de silence, employé à con-
                                  templer le magnifique panorama qui se déroulait devant leurs
                                  yeux, Jules dit à sa sœur:
                                    -  Ce n'est pas sans dessein que je t'ai conduite ici: je
                                  désire t'entretenir privément sur un sujet de la plus grande
                                  importance. Tu aimes notre ami Arché; tu l'aimes depuis
                                  longtemps; et cependant, pour des raisons que je ne puis
                                  comprendre, par suite de sentiments trop exaltés qui faussent
                                  ton jugement, tu t'imposes des sacrifices qui ne sont pas
                                  dans la nature, et tu te prépares un avenir malheureux, vic-
                                  time d'un amour que tu ne pourras jamais extirper de ton
                                  cœur. Quant à moi, si j'aimais une Anglaise, et qu'elle ré-
                                  pondît à mes sentiments, je l'épouserais sans plus de répu-
                                  gnance qu'une de mes compatriotes.
                                    Les yeux de Blanche se voilèrent de larmes; elle prit la
                                  main de son frère, qu'elle pressa dans les siennes avec ten-
                                  dresse, et répondit:
                                    -  Si tu épousais une Anglaise, mon cher Jules, je la rece-
                                  vrais dans mes bras avec toute l'affection d'une sœur chérie;
                                  mais ce que tu peux faire, toi, sans inconvenance, serait une
                                  lâcheté de la part de ta sœur. Tu as payé noblement ta dette
                                  à la patrie. Ton cri de guerre c à moi, grenadiers!» élec-
                                  trisait tes soldats dans les mêlées les plus terribles; on a
                                  retiré deux fois ton corps sanglant de nos plaines encore
                                  humides du sang de nos ennemis, et tu as reçu trois blessures
                                  sur l'autre continent. Oui, mon frère chéri, tu as payé noble-
                                  ment ta dette à la patrie, et tu peux te passer la fantaisie
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