Page 213 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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de l'équipage qui, épuisés de fatigue, s'étaient réfugiés dans
                                        les hamacs et refusaient d'en sortir: menaces, promesses,
                                        coups de bâton même avaient été inutiles, Notre mât de mi·
                                        saine étant cassé, nos voiles en lambeaux ne pouvant être ni
                                        carguées ni amenées, le second proposa, comme dernière
                                        ressource dans cette extrémité, de faire côte: c'était un acte
                                        de désespoir; le moment fatal arrivait 1 Le capitaine et le
                                        second me regardaient avec tristesse en joignant les mains.
                                        Je ne compris que trop ce langage muet d'hommes accou-
                                        tumés par état à braver la mort. Nous fîmes côte à tribord,
                                        où l'on apercevait l'entrée d'une rivière qui pouvait être
                                        navigable. Je fis part, sans en rien cacher, aux passagers des
                                        deux sexes, de cette manœuvre de vie et de mort. Que de
                                        prières alors à l'Etre suprême! que de vœux! Mais hélas 1
                                        vaines prières! vœux inutiles!
                                          Qui pourrait peindre l'impétuosité des vagues! La tem·
                                        pête avait éclaté dans toute sa fureur: nos mâts semblaient
                                        atteindre les nues pour redescendre aussitôt dans l'abîme.
                                        Une secousse terrible nous annonça que le navire avait tou·
                                        ché fond. Nous coupâmes alors mâts et cordages pour l'allé·
                                        ger; il arriva, mais la puissance des vagues le tourna sur le
                                        côté. Nous étions échoués à environ cent cinquante pieds
                                        du rivage, dans une petite anse sablonneuse qui barrait la
                                        petite rivière où nous espérions trouver un refuge. Comme le
                                        navire faisait déjà eau de toutes parts, les passagers se préci.
                                        pitèrent sur le pont; les uns même, se croy"nt sauvés, se
                                        jetèrent à la mer et périrent.
                                          Ce fut à ce moment que madame de Mézière parut sur le
                                        tillac, tenant son jeune enfant dans ses bras; ses cheveux
                                        et ses vêtements étaient en désordre: c'était l'image du déses-
                                        poir personnifié. Elle s'agenouilla; puis m'apercevant, elle
                                        s'écria: « Mon cher de Saint-Luc, il faut donc mourir! »
                                          Je courais à son secours, quand une vague énorme, qui
                                        d€ferJa sur le pont, la précipita dans les flots (h).
                                          -  Pauvre amie! compagne de mon enfance, s'écria ma·
                                        dame d'Haberville au milieu de ses sanglots; pauvre sœur,
                                        que la même nourrice a allaitée! On a voulu me faire croire
                                        que j'étais en proie à une surexcitation nerveuse, produite par
                                        l'inquiétude qui me dévorait, lorsque je t'ai vue tout éplo-
                                        rée pendant mon sommeil, le 17 novembre, sur le tillac de
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