Page 216 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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glacée des rivières qui interceptaient notre route. Mes com-
pagnons étaient si épuisés par la faim et la fatigue, qu'il me
fallait souvent faire ces trajets à plusieurs reprises pour rap-
porter leurs paquets, qu'ils n'avaient pas eu la force de por-
ter. Ils avaient entièrement perdu courage; et j'étais souvent
obligé de leur faire des chaussures pour couvrir leurs pieds
ensanglantés.
Nous nous traînâmes ainsi, ou plutôt je les traînai pour
ainsi dire à la remorque (car le courage, ni même les forces
ne me faillirent jamais), jusqu'au 4 de décembre, que nous
rencontrâmes deux sauvages. Peindre la joie, l'extase de mes
compagnons, qui attendaient à chaque instant la mort pour
mettre fin à leurs souffrances atroces, serait au-dessus de
toute description. Ces aborigènes ne me reconnurent pas
d'abord en me voyant avec ma longue barbe, et changé com-
me j'étais après tant de souffrances. J'avais rendu précé-
demment de grands services à leur nation; et vous savez que
ces enfants de la nature ne manquent jamais à la reconnais-
sance. Ils m'accueillirent avec les démonstrations de la joie
la plus vive: nous étions tous sauvés. J'appris alors que nous
étions sur l'île du Cap-Breton, à trente lieues de Louis-
bourg.
Je pris aussitôt le parti de laisser mes compagnons aux
premiers établissements acadiens, sûr qu'ils y seraient à portée
de tout secours, et de m'en retourner à Québec donner au
général Murray les premières nouvelles de notre naufrage.
Inutile, mes chers amis, de vous raconter les particularités
de mon voyage depuis lors, ma traversée de l'île à la terre
ferme dans un canot d'écorce au milieu des glaces où je
faillis périr, mes marches et contre-marches à travers les
bois: qu'il suffise d'ajouter qu'à mon estime, j'ai fait cent
cinquante lieues sur des raquettes. J'étais obligé de changer
souvent de guides: car, après huit jours de marche, Acadiens
ou sauvages étaient à bout de force.
Après ce touchant récit, la famille d'Haberville passa une
partie de la nuit à déplorer la perte de tant de parents et
d'amis expulsés, par un ordre barbare, de leur nouvelle
patrie: de tant de Français et de Canadiens qui espéraient
se consoler de cette perte sur la terre de leurs aïeux. C'était,
en effet, un sort bien cruel que celui de tous ces infortunés,
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