Page 150 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 150
- Après, tant qu'fi vous plaira, mon cher chevalier, reprit
le curé; toujours est-il que nous n'avons guère de troupes
pour résister longtemps à nos puissants voisins.
- Mon cher abbé, ajouta mon oncle Raoul, il est probable
qu'en disant ce matin votre bréviaire, vous êtes tombé sur un
chapitre des lamentations du prophète Jérémie.
- Cette citation est contre vous, car les prophéties se sont
accomplies.
- N'importe, s'écria le chevalier en serrant les dents; les
Anglais! les Anglais, prendre le Canada 1 ma foi, je me
fe'rais fort de défendre Québec avec ma béquille. Vous avez
donc oublié, continua mon oncle Raoul, en s'animant, que
nous les avons toujours battus, les Anglais; battus un contre
cinq, un contre dix et quelquefois un contre vingt... Les An-
glais, vraiment !
- Conceda, dit le curé; je vous accorde tout ce que vous
voudrez, et même davantage, si ça vous fait plaisir; mais
remarquez bien que chacune de nos victoires nous affaiblit,
tandis que l'ennemi, grâce à la prévoyance de l'Angleterre,
semble reprendre de nouvelles forces, et que, d'un autre
côté, la France nous abandonne presque à nos propres res-
sources.
- Ce qui montre, dit le capitaine d'Haberville, la confiance
qu'a notre bien-aimé roi Louis XV dans notre courage pour
défendre sa colonie.
- En attendant, interrompit monsieur d'Egmont, la Fran-
ce envoie si peu de troupes que la colonie va s'affaiblissant
de jour en jour.
- Qu'on nous donne seulement de la poudre et du plomb,
reprit le capitaine, et cent hommes de mes miliciens feront
plus dans nos guerres de surprises, d'embuscades, de décou-
vertes, que cinq cents soldats des plus vaillants corps de l'ar-
mée française; je parle sans présomption: la preuve en est là.
Ce qui n'empêche pas, ajouta-t-il un peu confus de cette sor-
tie faite sans trop de réflexion, que nous avons un grand
besoin des secours de la mère patrie, et qu'une bien petite
portion des armées que notre aimé monarque dirige vers le
nord de l'Europe afin d'aider l'Autriche, nous serait à peu
près indispensable pour la défense de la colonie.
- 151 -