Page 155 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Elle se traînait au pied de la statue de la sainte Vierge,
                                        cette mère des grandes douleurs; et il lui semblait que les
                                        yeux de la madone s'attristaient, et qu'elle y lisait cette dou-
                                        loureuse sentence:
                                          - Souffre comme moi avec résignation, ô fille d'Eve r
                                        jusqu'au jour glorieux où tu seras récompensée de toutes
                                        tes souffrances.
                                          Et la pauvre mère s'écriait de nouveau:
                                          - Quand donc 1 ma bonne sainte Vierge, arrivera ce jour
                                         béni?
                                          Elle arrosait le plancher de ses larmes, et s'en retournait
                                         chez elle en gémissant.
                                          La pauvre mère, après avoir prié un jour avec plus de
                                        ferveur encore que de coutume, après avoir versé des larmes
                                        plus abondantes, s'endormit dans l'église: l'épuisement ame-
                                         na, sans doute, le sommeil. Le bedeau ferma l'édifice sacré
                                        sans remarquer sa présence. Il pouvait être près de minuit
                                        lorsqu'elle s'éveilla: un rayon de lune, qui éclairait le sanc-
                                         tuaire, lui révéla qu'elle était toujours dans l'église. Loin
                                        d'être effrayée de sa solitude, elle en ressentit de la joie; si
                                        ce sentiment pouvait s'allier avec l'état souffrant de son pau-
                                        vre cœur 1
                                          -  Je vais donc prier, dit-elle, seule avec mon Dieu 1 seule
                                        avec la bonne Vierge 1seule avec moi-même 1
                                          Comme elle allait s'agenouiller, un bruit sourd lui fit
                                        lever la tête: c'était un vieillard, qui, sortant d'une des
                                        portes latérales de la sacristie, se dirigeait, un cierge allumé
                                        à la main, vers l'autel. Elle vit, avec surprise, que c'était
                                         un ancien bedeau du village, mort depuis vingt ans. La vue
                                        de ce spectre ne lui inspira aucune crainte: tout sentiment
                                         semblait éteint chez elle, si ce n'est celui de la douleur. Le
                                         fantôme monta les marches de l'autel, alluma les cierges, et
                                        fit les préparations usitées pour célébrer une messe de re-
                                         quiem. Lorsqu'il se retourna, ses yeux lui parurent fixes et
                                         sans expression, comme ceux d'une statue. Il rentra dans la
                                         sacristie, et reparut presque aussitôt; mais cette fois précé-
                                         dant un vénérable prêtre portant un calice et revêtu de
                                         l'habit sacerdotal d'un ministre de Dieu qui va célébrer le
                                         saint sacrifice. Ses grands yeux démesurément ouverts étaient
                                         empreints de tristesse; ses mouvements ressemblaient à ceuX
                                         d'un automate qu'un mécanisme secret ferait mouvoir. Elle
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