Page 153 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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tieuses. Qui sait, après tout, si ces présages, auxquels croyait
                                        toute l'antiquité, ne sont pas des avertissements du ciel, quand
                                        quelque grand malheur nous menace? S'il fallait rejeter tout
                                        ce qui répugne à notre faible raison, nous serions bien vite
                                        pyrrhoniens, pyrrhoniens à nous faire assommer, comme le
                                        Marphorius de Molière. Qui sait... ? Il y aurait un bien long
                                        chapitre à écrire sur les qui sait?
                                          Le temps, qui avait été si beau pendant toute la journée,
                                        commença à se couvrir vers six heures du soir; à sept heures,
                                        une pluie torrentielle, semblant menacer d'un second déluge,
                                        commença à tomber; le tonnerre ébranlait les voûtes du ciel,
                                        un immense quartier de rocher, frappé par la foudre, se
                                        détacha du cap avec fracas, et tomba dans le chemin du roi,
                                        qu'il intercepta pendant plusieurs jours.
                                          Le capitaine d'Haberville, qui avait fait pendant longtemps
                                        la guerre avec les alliés sauvages, était imbu de beaucoup
                                        de leurs superstitions: aussi, lorsqu'il fut victime des mal-
                                        heurs qui frappèrent tant de familles canadiennes en 1759,
                                        il ne manqua pas de croire que ces désastres lui avaient été
                                        prédits deux ans auparavant.
                                          Jules, assis après le souper entre sa mère et sa sœur, et
                                        tenant leurs mains dans les siennes, souffrait de l'abattement
                                        de toute la famille. Afin de faire diversion, il demanda à sa
                                        mère de conter une de ces légendes qui l'amusaient tant dans
                                        son enfance.
                                          -  Il me semble, maman, que ce sera un nouveau souvenir
                                        de la plus tendre des mères, que j'emporterai avec moi dans
                                        la vieille Europe.
                                          -  Je n'ai rien à refuser à mon fils, dit madame d'Haber-
                                        ville. Et elle commença la légende qui suit:
                                          Une mère avait une enfant unique: c'était une petite fille
                                        blanche comme le lis de la vallée, dont les beaux yeux d'azur
                                        semblaient se porter sans cesse de sa mère au ciel et du ciel
                                        à sa mère pour se fixer ensuite au ciel. Qu'elle était fière et
                                        heureuse cette tendre mère, lorsque dans ses promenades cha-
                                        cun la complimentait sur la beauté de son enfant, sur ses
                                        joues aussi vermeilles que la rose qui vient d'éclore, sur ses
                                        cheveux aussi blonds, aussi doux que les filaments du lin
                                        dans la filerie, et qui tombaient en boucles gracieuses sur ses
                                        épaules! Oh 1 oui; elle était bien fière et heureuse cette
                                        bonne mère.
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