Page 144 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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devant les yeux, mord, la nuit, son oreiller de désespoir après
                                     l'avoir arrosé de ses larmes.
                                       J'étais jeune, trente-troIs ans, âge où commence à peine la
                                     vie; j'avais ùes talents, ùe l'énergie, et une foi robuste en
                                     moi-même. Prenez, dis-je à mes créanciers, tout ce que je
                                     p<?ssède, mais renoncez à votre droit de contrainte par corps:
                                     laIssez-moi toute liberté d'action, et j'emploierai toute mon
                                     énergie à vous satisfaire. Si vous paralysez mes forces, c'est
                                     vous faire tort à vous-mêmes. Ce raisonnement, si simple
                                     pourtant, était au-dessus de l'intelligence de l'homme civi-
                                     lisé: mon Iroquois, lui, l'eût compris; il aurait dit: «Mon
                                    .. frère pas capable de prendre castors, si le visage pâle lui
                                    .. ôte l'esprit, et lui lie les mains. lt Eh bien, mon ami, mes
                                    créanciers n'ont tenu aucun compte de ce raisonnement si
                                    aisé cependant à comprendre, et ont tenu cette épée de
                                    Damoclès suspendue sur ma tête pendant trente ans, terme
                                    que leur accordaient les lois du pays.
                                      -  Mais, c'était adorable de bêtise! s'écria Jules.
                                      -  Un d'eux, cependant, continua le bon gentilhomme en
                                    souriant tristement de la saillie de Jules, un d'eux, dis-je,
                                    d'une industrie charmante en fait de tortures, obtint con-
                                    trainte par corps, et, par un raffinement de cruauté digne
                                    d'un Caligula, ne la mit à exécution qu'au bout de dix-huit
                                    mois. Peut-on imaginer un supplice plus cruel que celui
                                    infligé à un homme entouré d'une nombreuse famille, qui la
                                    voit pendant dix-huit mois trembler au moindre bruit qu'elle
                                    entend, frémir à la vue de tout étranger qu'elle croit tou-
                                    jours porteur de l'ordre d'incarcération contre ce qu'elle a
                                    de plus cher! Ce qui m'étonne, c'est que nous n'ayons pas
                                    succombé sous cette masse d'atroces souffrances.
                                      Cet état était si insupportable que je me rendis deux fois
                                    auprès de ce créancier, le priant, au nom de Dieu, d'en finir
                                    et de m'incarcérer. Il le fit, à la fin, mais à loisir. Je l'au-
                                    rais remercié à deux genoux. Je jouissais d'un bonheur né-
                                    ~atif, en défiant, à travers mes barreaux, la malice des hom-
                                    mes de m'infliger une torture de plus 1
                                      Le prisonnier éprouve un singulier besoin pendant le pre-
                                    mier mois de sa captivité: c'est une inquiétude fébrile, c'est
                                    un besoin de locomotion continue. Il se lève souvent pen-
                                    dant ses repas, pendant la nuit même pour y satisfaire: c'est
                                    le lion dans sa cage. Pardon à ce Doble animal de le comparer
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