Page 125 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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surprendre le gibier, qui est très méfiant, surtout J'ou-
tarde et l'oie sauvage. C'est une chasse de misère, car vous
restez souvent accroupi sept à huit heures de suite dans ces
trous, en compagnie de votre chien. L'occupation ne manque
pas d'ailleurs pour tuer le temps, car il vous faut dans cer-
tains endroits vider continuellement l'eau bourbeuse qui me-
nace de vous submerger.
Néanmoins tout était prêt et nos chasseurs s'attendaient à
être amplement récompensés de leurs peines à la marée mon-
tante, quand il s'éleva tout à coup une tempête épouvanta-
ble. La neige, poussée par le vent, était d'une abondance à
ne pas voir le gibier à trois brasses du chasseur. Nos gens,
après avoir patienté jusqu'au flux de la mer, qui les chassa de
leurs gabions, retournèrent, de guerre lasse, à leur cabane
où un triste spectacle les attendait: leur canot avait été em-
porté par la tempête, et il ne restait pour toutes provisions
aux cinq hommes qu'un pain et une bouteille d'eau-de-vie
qu'ils avaient mis dans leur cabane à leur arrivée, afin de
prendre un coup et une bouchée avant de partir pour la
chasse. On tint conseil, et on se coucha sans souper: la
tempête de neige pouvait durer trois jours, et il leur serait
impossible, à une distance à peu près égale de trois lieues
des terres du nord et du sud de faire apercevoir les signaux
de détresse. Il fallait donc ménager les vivres. Ils étaient
loin de leur compte; il se fit un second hiver, le froid devint
très intense, la tempête de neige dura huit jours, et à l'expi-
ration de ce terme, le fleuve fut couvert de glaces comme en
janvier.
Ils commencèrent alors à faire des signaux de détresse que
l'on vit bien des deux rives du Saint-Laurent; mais impos-
sible de porter secours. Aux signaux de détresse succédè-
rent ceux de mort. Le feu s'allumait tous les soirs, et s'étei-
gnait aussitôt; on avait déjà enregistré la mort de trois des
naufragés, quand plusieurs habitants, touchés de compassion,
firent, au péril de leur vie, tout ce que l'on pouvait atten-
dre d'hommes dévoués et courageux; mais inutilement, car
le fleuve était tellement couvert de glaces que les courants
emportaient les canots soit au nord-est, soit au nord-ouest,
suivant le flux et le reflux de la mer, sans les rapprocher du
lieu du sinistre. Ce ne fut que le dix-septième jour qu'ils
furent secourus par un canot monté par des habitants de l'Ile
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