Page 129 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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répétait sans cesse, en faisant le geste de le chasser tantôt
                                        de la main droite, tantôt de la main gauche qu'elle agitait
                                        en arrière, Va-t'en 1 va-t'en 1 c'est toi qui amènes l'Anglais
                                        pour dévorer le Français!
                                          -  Ah ça 1 prophétesse de malheur, dit mon oncle Raoul,
                                        quand tu auras fini de parler au diable, voudrais-tu bien me
                                        dire ce que signifie cette menace?
                                          -  Voyons, Marie, ajouta Jules, dis-nous donc si tu crois
                                        vraiment parler au diable? Tu peux en imposer aux habitants;
                                        mais tu dois savoir que nous n'ajoutons pas foi à de telles
                                        bêtises,
                                          -  Va-t'en! va-t'en! continua la sorcière en faisant les
                                        mêmes gesticulations, c'est toi qui amènes l'Anglais pour
                                        dévorer le Français,
                                          - Je vais lui parler, dit Blanche; elle m'aime beaucoup; je
                                        suis sûre qu'elle me répondra.
                                          S'approchant alors, elle lui mit la main sur l'épaule, et
                                        lui dit de sa voix la plus douce:
                                          -  Est-ce que tu ne me reconnais pas, ma bonne Marie '1
                                        Est-ce que tu ne reconnais pas la petite seigneuresse, comme
                                        tu m'appelais quand j'étais enfant?
                                          La pauvre femme interrompit son monologue, et regarda
                                        la belle jeune fille avec tendresse. Une larme même s'arrêta
                                        dans ses yeux sans pouvoir couler: cette tête fiévreuse et
                                        toujours brûlante en contenait si peu 1 (b).
                                          -  Pourquoi, ma chère Marie, dit mademoiselle d'Haber-
                                        ville, mènes-tu cette vie sauvage et vagabonde? Pourquoi vivre
                                        \lans les bois, toi la femme d'un riche habitant, toi la mère
                                        (j'une nombreuse famille 'l Tes pauvres petits enfants, éle-
                                        vés par des femmes étrangères, auraient pourtant bien besoin
                                        des soins de leur bonne mère! Je viendrai te chercher après
                                        la fête avec maman et nous te ramènerons chez toi: elle
                                        parlera à ton mari qui t'aime toujours; tu dois être bien mal-
                                        heureuse 1
                                          J_a pauvre femme bondit sur son siège, et ses yeux lan-
                                        cèrent des t1ammes, lorsque debout, pâle de colère, elle
                                        s'écria en regardant les assistants:
                                          - Qui ose parler de mes malheurs 'l...
                                          Est-ce la belle jeune fille, l'orgueil de ses parents, qui ne
                                        sera jamais épouse et mère?
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