Page 123 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Il était nuit close depuis quelque temps, lorsque mon
<mcle Raoul, Blanche, Jules et de Locheill quittèrent le pres.
bytère, où ils avaient soupé. Le cher oncle, qui avait quelque
teinture d'astronomie, expliquait à sa nièce, qu'il ramenait
dans sa voiture, les merveilles de la voûte éthérée: trésors
de science astronomique, dont les deux jeunes messieurs ne
profitaient guère, au grand dépit du professeur d'astrono-
mie improvisé, qui leur reprochait d'éperonner sournoise·
ment leurs montures, plus raisonnables que les cavaliers. Les
jeunes gens, tout à leur gaieté, et qui respiraient le bon·
heur par tous les pores, pendant cette nuit magnifique, au
milieu de la forêt, s'excusaient de leur mieux, et recommen·
çaient leurs gambades, malgré les signes réitérés de Blanche,
qui aimant beaucoup son oncle, cherchait à éviter tout ce qui
pouvait lui déplaire. La route était en effet d'autant plus
agréable, que le chemin royal était tracé au milieu d'arbres
de toutes espèces qui interceptaient de temps à autre la
vue du fleuve Saint-Laurent, dont il suivait les sinuosités,
jusqu'à ce qu'une clairière offrît de nouveau ses ondes argen·
tées.
Arrivés à une de ces clairières, qui leur permettait d'em·
brasser du regard tout le panorama, depuis le cap Tourmente
jusqu'à la Malbaie, de Locheill ne put retenir un cri de sur-
prise, et s'adressant à mon oncle Raoul:
- Vous, monsieur, qui expliquez si bien les merveilles du
ciel, vous plairait-il d'abaisser vos regards vers la terre, et de
me dire ce que signifient toutes ces lumières qui apparaissent
simultanément sur la côte du nord, aussi loin que la vue
peut s'étendre? Ma foi, je commence à croire à la légende
de notre ami José: le Canada est vraiment la terre des lutins,
des farfadets, des génies, dont ma nourrice berçait mon
enfance dans mes montagnes d'Ecosse.
- Ah 1dit mon oncle Raoul, arrêtons-nous ici un instant:
ce sont les gens du Nord, qui, la veille de la Saint-Jean-
Baptiste, écrivent à leurs parents et amis de la côte du sud.
Ils ne se servent ni d'encre, ni de plume pour donner de
leurs nouvelles. Commençons par les Eboulements: onze dé.
çès de personnes adultes dans cette paroisse depuis l'automne,
Ilont trois dans la même maison, chez mon ami Dufour: il
faut que la picote ou quelque fièvre maligne aient visité cette
famille, car ce sont des maîtres hommes que ces Dufour,
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