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76 LES ANOENS CANADIENS
la fricassée de porc frais et de mouton, qui faisait les délices
surtout des vieillards dont la mâchoire menaçait ruine.
- Ah çà! dit Arché, c'est donc un festin de Sardanapale, de
mémoire assyrienne! un festin qui va durer six mois!
- Tu n'en as pourtant vu qu'une partie, dit Jules; le dessert
est à l'avenant. Je croyais, d'ailleurs, que tu étais plus au fait
des usages de nos habitants. Le seigneur de céans serait accusé
de lésinerie, si, à la fin du repas, la table n'était aussi encombrée
de mets que lorsque les convives y ont pris place. Lorsqu'un
plat sera vide, ou menacera une ruine prochaine, tu le verras
aussitôt remplacé par les servants.
- J'en suis d'autant plus surpris, dit Arché, que vos cultiva-
teurs sont généralement très économes, plutôt portés à l'avarice
qu'autrement; alors comment concilier cela avec le gaspillage
qui doit se faire, pendant les chaleurs, des restes de viandes
qu'une seule famille ne peut consommer?
- Nos habitants, dispersés à distance les uns des autres sur
toute l'étendue de la Nouvelle-France, et partant privés de
marchés, ne vivent, pendant le printemps, l'été et l'automne
que de salaisons, pain et laitage, et, à part les cas exceptionnels
de noces, donnent très rarement ce qu'ils appellent un festin
pendant ces saisons. Il se fait, en revanche, pendant l'hiver,
une grande consommation de viandes fralches de toutes espèces;
c'est bombance générale: l'hospitalité est poussée jusqu'à ses
dernières limires, depuis Noël jusqu'au carême. C'est un va-et-
vient de visites continuelles pendant ce temps. Quatre ou cinq
carrioles contenant une douzaine de personnes arrivent; on
dételle aussitÔt les voitures, après avoir prié les amis de se
dégrayer; la table se dresse, et, à l'expiration d'une heure tout
au plus, cette même table est chargée de viandes fumantes.
- Vos habitants, fit Arché, doivent alors posséder la lampe
d'Aladin!
- Tu comprends, dit Jules, que s'il leur fallait les apprêts de
nos maisons, les femmes d'habitants, étant pour la plupart