Page 72 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS 73
Une perite scène donnera une idée de l'importance de mon
oncle Raoul, dans les occasions solennelles.
Transportons-nous au mois de novembre, époque à laquelle
les rentes seigneuriales sont échues.
Mon oncle Raoul, une longue plume d'oie fichée à l'oreille,
est assis majestueusement dans un grand fauteuil, près d'une
table recouverte d'un tapis de drap vert, sur laquelle repose son
épée. Il prend un air sévère lorsque le censitaire se présente,
sans que cet appareil imposant intimide pourtant le débiteur
accoutumé à ne payer ses renres que quand ça lui convient: rant
est indulgent le seigneur d'Haberville envers ses censitaires.
Mais, comme mon oncle Raoul tient plus à la forme qu'au
fond, qu'il préfère l'apparence du pouvoir au pouvoir même, il
aime que tour se passe avec une certaine solenniré.
- Comment YOUS portez-yOUS, mon... mon... lieutenant? dit
le censitaire, habitué à l'appeler toujours mon oncle, à son insu.
- Bien, et toi; que me veux-ru? répond mon oncle Raoul
d'un air important.
- Je suis venu vous payer mes rentes) mon... mon officier;
mais les temps sont si durs, que je n'ai pas d'argent, dit Jean-
Baptiste en secouant la tête d'un air convaincu.
-Nescio vos! s'écrie mon oncle Raoul en grossissant la voix:
reddite qUtrI sunt C",saris CtrlJar~
-C'est bien beau ce que vous dites-là, mon... mon... capitai-
ne; si beau que je n'y comprends rien, fait le censitaire.
- C'est du latin, ignorant! dit mon oncle; et ce latin veut
dire: payez légitimement les renteS au seigneur d'Haberville, à
peine d'être traduit devant taures les cours royales, d'être
condamné en première et seconde instance à tous dépens, dom-
mages, intérêts et loyaux coûts.
- Ça doit pincer dur, les royaux coups, dit le censitaire.
-Tonnerre! s'écrie mon oncle Raoul en élevant les yeux
vers le ciel.