Page 181 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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182                         LES ANClENS CANADIENS

                  -  C'est là, mon ami; c'est à l'ombre de ce noyer que je
                t'ai fait le récit de mes malheurs; c'est là que je t'ai donné des
                conseils dictés par l'expérience que donne la vieillesse.  Je
                meurs content, car je vois que tu en as profité.  Emporte, après
                ma mort, ce petit bougeoir: en te cappelant les longues insom·
                nies dont il a été témoin dans ma chambre solitaire, il te
                rappellera aussi les conseils que je t'ai donnés, s'ils pouvaient
                sortir de ta mémoire.
                  -  Quant à toi, mon cher et fidèle André, continua M.
                d'Egmont, c'est avec bien du regret que je te laisse sur cette
                terre, où tu as partagé dans tous mes chagrins.  Tu seraS bien
                seul et isolé après ma mort!  Tu m'as promis de passer le reste
                de tes jours avec la famille d'Haberville: elle aura le plus
                grand soin de ta vieillesse.  Tu sais qu'après ton décès les
                pauvres seront nos héritiers.
                  -Mon cher maîrre, dit Francœur en sanglotant, les pauvres
                n'attendront pas longtemps leur héritage.
                  Le bon gentilhomme, après avoir fait les adieux les plus
                tendres à tous ses amis, s'adressant au curé, le pria de réciter les
                prières des agonisants.  Et à ces paroles: «Partez, âme chré·
                tienne, au nom du Dieu tout~puissant qui vous a créée", il
                rendit le dernier soupir.
                  André Francœur fut frappé de paralysie lorsqu'on descendit
                le corps de son maltre dans sa dernière demeure, et ne lui
                survécut que trois semaines.
   j
                  Lorsque Jules avait dit à sa sœur: «Si j'aimais une Anglaise,
                « et qu'elle voulût accepter ma main, je l'épouserais sans plus
                « de répugnance qu'une de mes compatriotes», elle était loin
                alors de soupçonner les vraies intentions de son frère.  Jules,
                en effet, pendant la traversée de l'Atlantique, avait fait la con·
                naissance d'une jeune demoiselle anglaise d'une grande beauté.
                Il avait d'ailleurs montré son bon goût: la jeune fille, outre sa
                beauté ravissante, possédait toutes les qualités qui peuvent
                inspirer une passion vive et sincère.
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