Page 173 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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174 LES ANCIENS CANADIENS
jamais acquitter. Si mon père t'a gardé rancune pendant long-
temps, c'est qu'il est dans sa nature, une fois qu'il se croit
offensé, de ne vouloir prêter l'oreille à aucune justification.
Il t'a maintenanr rendu toute sa rendresse; nos pertes sonr en
grande partie réparées, et nOUS vivons plus tranquilles sous le
gouvernement britannique que sous la domination française.
La petite succession que j'ai recueillie aidant, nous serons bien
vite aussi riches qu'avant la conquête. Ainsi, mon cher Arché,
chasse ces noires vapeurs qui nous affligent, et reprends ta
gaieté d'autrefois.
De Locheill garda longtemps le silence, et répondit après un
effort pénible:
- Impossible, mon frère: la blessure est plus récente que tu
ne le crois, et saignera pendant tout le cours de ma vie, car tout
mon avenir de bonheur est brisé.
De Locheill raconta alors, sans omettre les moindres circons-
tances, l'entretien qu'il avair eu récemment avec Blanche; et,
allumant une bougie, il se retira, en soupirant, dans sa chambre
à coucher.
Jules passa une nuit des plus orageuses. Lui qui n'avait
étudié la femme que dans les salons, dans la société frivole du
faubourg Saint·Germain, ne pouvait comprendre ce qu'il y avait
de grand, de sublime, dans le sacrifice que s'imposait sa sœur:
de pareils sentiments lui semblaient romanesques, ou dictés par
une imagination que le malheur avait faussée. Trop heureux
d'une alliance qui comblait ses vœux les plus chers, il se décida,
avec l'assentiment d'Arché, à un entretien sérieux avec Blanche,
bien convaincu qu'il triompherait de ses résistances: elle l'aime,
pensa-t-il, ma cause est gagnée.
[Jules, bien ignorant du cœur féminin, Je fdit fort d,
lout arranger...}
- Allons, Blanche, dit Jules à sa sœur après diner, le lende-
main de l'entretien qu'il avait eu avec son ami; allons, Blanche,