Page 56 - La Société canadienne d'histoire de l'Église catholique - Rapport 1961
P. 56
du milieu oii Champlain vécut son destin. C'est cette population mu-
vage qui l'entoura peudant trente ans. Dès la première heure, elle lui
apparut selon ce qu'elle était : misérable de sa double ignorance,
humaine et divine. L'expression revient sans cesse sous sa pour
ee qui es1 de l'ignorance spiritnelle : * Ces peuples malheureux qui
n'aurout jamais connu le vrai Dieu. r Champlain s'éprit à la fois
d'amitié humaine et d'amitié divine pour ces sauvages. Rien de plus
touchant d'abord que l'estime, la considération, le reapect qu'il leur
accordait. Des chefs montagnais, algonquins et hurons, il se fait de
vrais amis, de véritables dévots à sa personne. Il les raisonnait, die
cutait doucemerit avec eux, s'émerveillait même, malgré leur ignorance,
de la force et de la souplesse de leur esprit. Religieux eomme il l'était
lui-même, comment n'aurait-il pam estimé que le plus grand bien à
leur transmettre était la foi ? Champlain n'est pas un théoricien de
la colonisation, assis à douze ccnts lieucs dans un bureau métropolitain.
Il a autour de lui la matière vivante sur Inquelle iI s'agit de travailler,
qu'il s'agit de sculpter en formes dignes de l'humanité. Et cette
matière n'est pas avant tout le colon maia l'indigène. D'aijleurs, il y
a si peu de colons dans I'smbiance du gouverneur de la Nouvelle
Franee : 200 à sa mort, c'mi-à-dire Irenfe-deux ans après le début de
I'entreprise française ! C'est en ce sens qu'on peut dire que Cham-
plain est un ehef de missionnaires pius qu'un organisateur de eoIonie,
Je pense que si on I'aveit écouté. il aurait créé avec Ics indigène
d'AmErique Pempite qu'il dtsirait pour la France, qu'à sa mort, le
25 décembre 1635, au lieu de ces deux ccnts colons français, nous
aurions eu su Saint-Laurent peut-être cinquante mille braves habitante
hurons, iroquoie, montagnais, iroquois même, rangEs sous nos lois
et 60~4 les lois du Dieu d'amour. A travers cela, un ou deux milliers
de Français pour civiliser et sanctifier ces bien-aimés barbares !
Au fait, on a un pcu écouté Champlain.
La solidarité de l'idée colonisatricc et de l'idée miaaionnaire, rcstm
Ic fondement du système français pendant au moins tout lc XVJI" sicele,
appartient avant tout à Chainplain. Sans douie lm inissionnaircs, Récol-
lets d'abord puis JEsuites, ont soutenu ce principe, en ont propagé le
rayonnement. Mais e'cst bien à l'obstiné eréatcur de la colonie qu'on
doit en reconnailre avant tout la paternité et e'mt à lui qu'on doit en
att ri buet l'acceptation par la métropole.
L'historien de la France coloniale d'heien Régime, F, Saiu ioyant,
voulant résumer l'reuvre de Riehelicn dans le domaiiie des eolonics, dit
exprmsbment : = Il eii vit Ics aspects pohique, économ~ ue et sociaux;
il partagea les idées de Chsmplain sur la néceseilé '1 e s'assurer la
collaborniioii des iniIigi.ne~, etc. r Quarid Richelieu décida de prendre
lui-même en mains la pandc œuvre et qu'il mit sur picd la Cornpn~nie
dcs C~rii- Associés. il nc fit prat iquernent que traduire. dans I'organi-
sation de la Compagnie aussi bivn quc dans les documents d'Etat qui
I'insti i uaient, les idées rnaîiresses de Champlain. Richelieu ne faisait
rieii de grave tan politique sans d'abord h de grandes enquê.
tca.. ., comme nous. Pour la Nouvelle-France, lm témoins étaient
Champlsiri, les missionnaires, les marchands. La théorie mercantile