Page 59 - La Société canadienne d'histoire de l'Église catholique - Rapport 1961
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A~~elierons-nous au~i bons diables les marchands ? Cham~lah
n'd pas éloigné de les appeler des démons. S'il traverse la mer Angt-
quatre fois pour Ie service de Port-Royal ou de Québec, c'est surtout
pour dire 1 la Conr : Délivrez-nons des marchands r, comme on dit
dans le Pater i Délivrez-nous du ma1 ! Ias marchands, à eertainei
années, servent des dividendes de 4û U)% à leurs actionnaires grâee au
pactole dn eastor. Mais pour eela, il ne faut pas que les sauvages
soient établis : il faut qu'ils restent à chasser dans les bois; pour cc14
il ne faut pas que les Français abattent la forêt, pande chasse gardée,
et que l'habitant partnge avec le rnarehand le bénéfiee de la traite;
et pour le succès du coinmerce, qu'avons-nous à faire de I'Evangile ?
Chainplain n'exclut pas Ie commerce au mème degré que la Compagnie
de Notre-Dame de Montréal et Maisonneuve; il croit par moment pou-
voir apprivoiser cette paasion plus vivace que la paasion aposlolique. II
fait rarurer une compagnie de commerce pour en établir une qui serait
meilleure, c'est-à-dire un peu plus désintéressée, mais à chaque fois, il
y perd sa pcine et une illusion de plus. Quand cn 1627. Richelieu en
personne établit la Compagnie des Cent-AssociCs et s'inscrit en personne
cn téte des actionnairrs. tout seinble sauvé- La Compagiie semble créée
pour le Sauvage, au point que I'un de ses statnts donne d'emblée la
pleine ci toyenneié franpise à tout indi~éne baptisC. La Compagnie
doit pourvoir aussi à Ii6tablisscment messif de colons. Le commeree
ne sera que l'outil : il arrive en dernier lieu dans la mention des pri-
vilègm de la charte. C'est ce qu'on trouve dans les documents. Dans
la réalité, les Cent-Associés n'en vaudront pas dix, et ces dix, qui ne
bougent d'ailleurs pas de Ia mi;rropole, continueront de penser à leur
portefeuille plus qu'au salut des âmes ou mCme i I'établissement d'un
empire.
Il est vrai qu'nne autre esptce de bons diables se seront mis en
travers. et ce seront les Anglais.
L'instant le plus mélancolique de la vie de Champlain eet celui
où il dut remettre, en 1629, la cl6 du fort Saint-Louis à David et Thomas
Kirke. Il laissait là Conillard et Hébert, et il partait lui~rnéme avec sa
mince Cquipe de missionnaires, après avoir fermé la porte à 1'Evan-
gile. Le premier convoi de la Compagnie des Ccnt-Associés avait été
pris par l'ennemi et la Nouvelle-France avait dü être livrce. Champlain
paesa trois ans à redemander son domaine. Il le recouvra anéanti et
pansa les trois dernières annCes de sa vie à rebâtir à partir du néant !
C'est de martyre à petit feu qu'it faut parler é propos de cette
carrière d'apôtre, toute foiidue à celle d'un grand coloiiisateur. Emile
Micard admire la grandeur de la vie de Champlain : a Peu de vies ont
Cté aussi grave que celle de ce soIdat qui consacra trente-cinq ans -
toute sa vie d'homme - à sa tache d'explorateur et de colon, trente
cinq ans coupEs par vingt-quatre voyages en France, mais quels voya-
ges ! pour quémander les secours, démasquer des traîtres, dénouer
des intrigues et généralement sans succès. Champlain aurait eu le
droit de hir avec une population néo-française de 15,000 âmes ponr
le moins, avee une conquête évangélique et cjviliaatrice d'un nonibre