Page 55 - La Société canadienne d'histoire de l'Église catholique - Rapport 1961
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elle nous est connue aussi, fiirt heureusement, par ses éerits qui forment
deux volumes. Les récits de voyage de Champlain entrent dans eette
littérature eoIoniele qui exerça une influence prépondérente sur la
cr6ation des colonies frençaises. La poi:,sie elle-même s'en mèleit. A
Port-Royal, en 1606 et 16û7, les Muses faisaient des odes et des son-
nets, par la bouclie de l'avocat parisien Man: Lescarbot, venu Id * pour
fuir un monde corrompu n. Le premier ouvraee publié par Cliamplain
- e'est en 1613, pas à Québec mais à Paris - s'ouvre de meme per
nne longue pièec de vers, oii nous allons apprendre en diacours indirect
les intentions du Père de la Nouvelle-France. Ecouiez cm alcxandrine
assez proches de la prose mais découvrant le cœur :
Il nous promet encor de passer lus avant,
Réduire les gentils et tronver le %vent,
Par le Nord ou le Sud, pour aller B la Cliine.
Cesl chritublenient oui pour E'ornou.r de Dieu.
Charitablenieni, tout pour I'emour de Dieu r : un disciple de
François de Sales, ou de Bérulle, ou de Vincent de Panl, un sociétaire
de la Compagnie du Saint-Sacrement ou un prosélyte des grands
doeteurs jésuites de l'époque n'anrait pas parlé antrement. Le Père
Coton, .priipre ciinfefiseur du roi, ne proposait-it pas eette totalité. cette
dimension surhuniaine de l'amour quand il disait : *Allons à Dieu,
mon âme, en démarche de géants ! s
Nous avons lu : réduire les genlils a. Cela peut vouloir dire
les dompter et même les anéantir. Cortez I'avait fait au Mexiqne et
Pjzarre au Pérou. Dans son livre publié en 1619, Champlain explique
en prose ce mot fort du poème. Il dit à Louis XIII, dans i'épitre dédi-
cataire : r Ce& une grâce spéciale de Dieu, d'avoir voulu résenier
aous votre règne l'ouvertnre de la prédication de l'EvangiIe et la con-
naissance de son saint nom à tant de nations qui n'en avaient jamais
ouï perler. * Réduire les geniilfi. c'est donc conduire les infidèles, l~
sauvages, à la connaissance du vrai Dieu.
Si nous voulons connaître la peiisée de Cbam~lain par Ia compa-
raiaon des fins coloniales, c'est-à-dire dans le rapport des fins politiques
et des fins religieuses, nous avons de lui cette parole souvent citée,
démonétike par i'ufiage, mais issue sans doute dn fond de son âme
et qui fera à jamais son honneur à lui et l'honneur de l'âme françaisa :
Le salut de l'âme d'un Indien vaut mieux que la conquête d'un
empire. m
C'est Ie lieu de nous demander d'où avait pu venir à notre héros
cette élévation de peneée.
La première répnnse est triujours dans le caractère et la libre
volonté de l'liomme. Cortez voulait de l'or; Richelieu pouvait vouloir
de la puissance; Cliamplain voulait des âmes : il vunlnit d'aliord le
royaume de Dieu. Ce secret du cœur est avant tout une détermination
personnelle et le mystEre du don de Dieu pour cliaque homme.
Néanmoina des circonstances intervieiinent. Nous evons vu celles
du ndieu spirituel français de l'époque. 11 faut certainement faire état