Page 38 - La Société canadienne d'histoire de l'Église catholique - Rapport 1961
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I'exhumsiion  de  ses  restea,  en  1958,  les  anatomimtes  de  l'université
                                 de Montréal  ont  déclaré  que  d'après  son  squelette  elle  devait  mesurer
                                 cinq  pieds  et  six  ou  sept  pouces.  Avec  ces  avantages  ph~~iques Mar-
                                 guerite  fut  bientôt  remarquée  et  demandée  en  mariage  par  un  jeune
                                 montréalais,  François  d'youviiie.  11  était  le  6b cadet  du  sieur  de  Is
                                 Découverte,  aide-major  à  Montréal  et  agent  du gouverneur  le  marquis
                                 de Vaudreuil  à  son  comptoir  de traite à  l'lle-aux-Tourtes.  En  épousant
                                 mademoiselle de la Gesmerays, François, fils de parvenu, se haussait dans
                                 l'échelle  sociale,  il  avait  la  fortune,  eiie  avait  le  rang.  D'un  pbysique
                                 avantageux,  suivant  le  portrait  que  nous  avone  de  lui  au  château  de
                                 Ramsay,  il  devait  être  charmant  à  ses  heures  car  un  séjour  de  deux
                                 ans  au  Sérninairc  de  Québec  parnii  des  gentibhommes  l'avait  vernissé
                                 de  helles  manières,  Hélas,  le  séduisant  fmncé  se  révéla  mari  noceur
                                 et volage.  Yoici ce qu'en  dit son fils.  r Elle avait un  muri d'un  cww
                                 tère /ors  Sifiérent et  qui n'était  pas  ph3 sensible à  sa  détresse  et au*
                                 difiérentes  infimités  de Jon  épouse  grce  pour  une  personne  qu'il  n'eut
                                 jamais  connue, c'est aussi ce qui laisait souvent  verser à madame d'You-
                                 viUe des larmes très amères. r  Le jeune  ménage demeurait chez  madame
                                 de la  Découverte,  sexagcnaire  riche  et  avaricieuse.

                                     A  la  mort  de  son  père,  François  lui succéda  au poste  de traite de
                                 I'Ile-aux-Tourtes.  Mélé  depuis  sa  jeunease  aux  incursions  clandestines
                                 de traites  en  pays  iroquois,  bonfi  de  l'importance  et  de l'impunité  de
                                 son  père  partisan  de la  traite de  l'eau-de-vie, François avait  une nature
                                 rude.  Par  son  commerce  de  i'eau-de-vie  et  ses  tactiques  abusives  il
                                 se rendit  bientôt odieux aux honnêtes gens.  Non  seulement il dépouillait
                                 les Nipi~ings domiciliés  à  I'Ile-aux-Tourtes mais  il  s'assurait  le  mono-
                                 pole  de la  traite en  faisant  perquisitionner  les  canots  venant  des pays
                                 d'en-haut  au  passage  du  bout  de  l'lle.  Monsieur  de  Ramezay,  gou-
                                 verneur  de Montréal, donne des précisions au Ministre.  .: J'ai  i'iwnneur
                                 de  VOUS  représenter,  Monseigneur,  qu'avant  que  monsieur  le  Marquis
                                 de  Vaudreuii  afierme  sa  traite  à  i'lle-aux-Taurks,  il  vettuit  ici  toutes
                                 les  années  ceni  canois  et  le  moins  quatre-vingts  en  traite.  Citait  une
                                 espèce  de  joire,  les  marclmnds  y  débiuient  leurs  marchandises,  les
                                 hubitunts  kurs  denrées  de manière  que  tout  le  monde  y  trouvad  son
                                 compte.  II  n'est  pu descendu  quatre  canots  cette  année  à  Montréal,
                                 le  sieur  d'Youville  les  ayant  tous  retenus  au  bout  de  Rle.. . r  Les
                                 Nipissings  eux-mêmes  se  voyant  sans  elleteries  ni  munitions  pour
                                 chasser  vinrent  en  députation  auprès  Bu  gonverneur  pour  réclamer
                                 le  renvoi  de  François  d'Youville  de  1'1le-aux-Tourtes.  Ce  triste  fond
                                 de tableau a ici sa place parce que c'est  madame d'Youville  qui, ulterieu-
                                 rement, paya  la rançon  de ces dérèglements.  Bravant l'opinion  publique,
                                 François  jouait  le  grand  seigneur,  se produisait  dans  Ies  beaux  aalons
                                 oh sa  prodigalité  lui assurait  une  place  à  la  table  de jeu.  L'inventaire
                                 de ses  biens  nous  décrit  ses  habits  de  vclours,  de  satin,  ses jabots  et
                                 manchettes  de dcntelle  d'argent,  et  l'épée  à  poignée  d'argent  doré  qu'il
                                 portait  selon  l'usage  des  gentilshommes  de  l'époque.  Marguerite  rete-
                                 nue  auprès de ses enfants,  chaque  année en  voyant  naître un  nouveau,
                                 ae  vit  de plus  en  plus  dEIaissée.  Coin&  entre la  ladrerie  de sa  belle-
                                 mère,  l'égoïsme  de son mari et le  mépris  public,  eh dut auyer maints
                                 crève-cmur.  Cependant,  loin  de  se  révolter  devant  l'injustice  de  sa
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