Page 30 - La Société canadienne d'histoire de l'Église catholique - Rapport 1961
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voici  pourtant  le  plus  ordinaire  aspect  : sommet  chauve  de la  planète.
                                  Plue  d'arbres,  plua  d'herbe,  plus  de  fleum,  ou  rien  que  de  nain,  de
                                  rabougri, de flétri  à  peine  éclos;  et  du  roc  vif,  des monticules  nus,  des
                                  vallons  arides,  dm  îles  abruptes,  une  irnnienrie  steppe  désolbe,  bordant
                                  un  océan  congelé,  celui-ci  pavé  de  rochers  de  glace  à  la  dérive,  tra-
                                  versé  de courants furieux, et  pour  ajouter  à  l'horreur  de la  terre  meu-
                                  dite, même  habillée  de  blanc,  des  vents  fous,  charriant  sans obstacles,
                                  dm  rafales  de neige.  Enhu  l'interminable  nuit,  elleci plus  implacable,
                                  ~lus prolongée  à mmure  qu'on  s'approche  du  ~Ôle. Nuit  tempérée  pour
                                  quelques wmainm tout  au  plus par  une  lune blafarde,  un  soleil morow,
                                  avare,  qui  rase  l'horizon  ou  n'y  montre,  suprême  ironie, qu'un  œil  mi-
                                  clos.  Paysage  pourtant  non  sans  contraste, le  contraste  ajoutaut  d'ail.
                                  leurs  à  l'aspect  terrifiant.  A  certaines  heures  de  la  longue  nuit,  voici
                                  apparaître  des  empourprements  du ciel;  au  rss du  sol,  uue  pyrotechnie
                                  de grand  art,  des érran~, des  éventails phosphorescents qui  ~e  déplient,
                                  qui  dansent,  qui  détonnent  avec  fracas,  font  penser  à  des  bouchee  de
                                  volcans  sous-marins vomiwant  le feu;  ou  encore  à la  montie laborieuse
                                  à  l'horizon  d'astres  ou  de  mondes  en  train  d'trnerger.  Spectacle  à  la
                                  fois  grandiose et  terrifiant.
                                      Tel le  pays,  tel  I'hahiisnt.  Peuple,  non  point  nation,  pyes  ue  sans
                                  gouvernemeni, sans loi,  sans morale,  condamné  i le  pire  vie  Je paria,
                                  vivant  misérablement  de  chasse,  de pêche;  for&,  pour  vivre,  de ruser
                                  constamment  avec  la  bête : caribou,  phoque,  ours,  baleine.  Passent  sa
                                  vie  à piéger,  à tuer, l'Esquimau  est hypocrite,  sournois, voleur,  menteur,
                                  dur;  un  rien  fait  de lui  un  meurtrier.  Il ne  s'embarrasse  ni  de pitié ni
                                  de gratilude.  Cependant,  par  contraste  encore,  et  comme  son  pays,  cet
                                  aborigène  est  aussi  hospitalier  qu'égoïste,  aumi  prompt  à  l'infanticide
                                  que  fou de  ses  enfanta.  Le plue  étonnant  serait peut-être  que ce  mi&-
                                  reux  soit  resté  joviaI.  11  aime  rire,  se moquer.  Au  temps  où  le  mi*-
                                  sionnaire  TurquetiI  balbutiait  pénibIement  la  langue  esquimaude,  on
                                  réunissait  pariois tout  le  camp pour  lui  faire répéter  une phrase et rire
                                  à  pleurer.  Sa  patrie  ne  +se  pas  à  1'Equimau.  Courageusement il  s'y
                                  est adapté;  il  n'est  pas indiflhent à eertainm formes de beauté;  homme
                                  et  lemme savent  soigner,  onier  leur  costume;  iIs w rhvèlent  fin6 sculp-
                                  ieure  avec  i'ivoire  du  morse,  1'-   du  renne,  fahriquwt  les  plus  jolis
                                  bibelota.  Par-daus tout,  en  ces  primitif% eneore  au  néolithique,  un
                                  orgueil jncornmensurable,  et jusqu'à  ces  deniiere temps,  un  mépris pro-
                                  fond,  indéracinable  du  Blanc,  du  civilisé.

                                      Faut-il  dire  u'à  cnltiver  ce  mépris,  cette  haine,  le  Blanc  l'a  bien
                                  quelque  peu  aidiil  Le  ,wl  Blanc  qu'il  a  d'abord  connu,  l'.gent   de k
                                  Compagnie de la  Baie d'Hudson,  l'a  longtemps et honteusement exploité :
                                  prix  inférieur  et  injuete  payé  à  la  fourrure  de PEhquimau  compareti-
                                  vement à celle des autres  traiteurs  : paiement  en  marchandisw  de basse
                                  qualité;  encouragement  I  la  boisson  et  jusqu'à  forcer  le  malheureux
                                  de mettre  eo  gages  sm armes et ses chiens  '.  Traitement de subaltemm
                                  de  la  Compagnie,  sans doute,  mais  trop  souvent  toléré  par  le gouver-
                                   nement  canadien.  Pratiques révoltarite que ~ardonnait mal l'Esquimau
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